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appelé le Congrès, pour pressentir les dispositions du prince de Bismarck et négocier avec lui un arrangement qui, si le chancelier s’y prêtait, serait d’autant plus facile que l’empereur Guillaume Ier, l’impératrice Augusta, leur fils le kronprinz Frédéric, celui-ci chapitré par sa femme la princesse Victoria d’Angleterre, souhaitaient vivement cette réconciliation.

Il est remarquable que, depuis ses victoires de 1866 et de 1870, comme s’il eût redouté d’en compromettre les résultats, ou voulu effacer le souvenir des spoliations qui avaient assuré l’agrandissement de la Prusse et la création à son profit de l’empire d’Allemagne, l’Empereur consacrait ses efforts à faire oublier, sans du reste rien sacrifier de ses gains territoriaux, les procédés à l’aide desquels il les avait réalisés. En se prêtant à un rapprochement avec le fils du roi de Hanovre, il restait semblable à lui-même, et tel il apparaît dans ce rôle à l’égard du prince dont il a odieusement dépouillé le père, tel on le verra se conduire avant, pendant et après envers l’Autriche et la France. En la circonstance, il subissait par surcroit l’influence de l’Impératrice, dont il est juste de dire qu’elle s’est fréquemment appliquée, au cours de sa longue existence, à atténuer ou à réparer dans la mesure du possible, et vis-à-vis des personnes, les malheurs infligés aux nations par la politique de son mari. Le vif attachement du ménage impérial pour la reine Victoria, mitigé chez l’Empereur de beaucoup de déférence et de crainte, et plus désintéressé chez l’Impératrice, encourageait ces dispositions. Elles méritent d’être signalées comme un trait du caractère de Guillaume Ier dont les actes ont toujours témoigné du désir de ne pas déplaire à une grande souveraine, amie de sa femme et mère de sa bru, et de ne pas plus laisser la politique et le prince de Bismarck le brouiller avec elle qu’avec l’empereur de Russie, Alexandre II, son neveu, qu’il chérissait comme un fils. Il y a beaucoup d’hypocrisie chez Guillaume ; comme la plupart des Hohenzollern, il cachait une nature de reître sous des dehors de gentilhommerie dont il aimait à faire montre envers les femmes ou quand il recevait les représentans étrangers ; mais il y avait aussi de la sincérité dans son visible effort, après les guerres de 1864, 1866 et 1870, pour qu’elles ne se renouvelassent pas. Il ne mentait pas quand il protestait de son désir de paix universelle. Toutefois, c’est moins d’un ardent amour pour la paix qu’il s’inspirait que de la crainte de compromettre