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protestation et presque de s’en excuser. D’une manière générale, on trouvait naturel que les brillantes perspectives ouvertes à son fils et le souci de son bonheur à venir eussent eu raison d’une rancune plus que trentenaire, condamnée fatalement, par la complète prussification du Hanovre, à rester platonique et sans profit pour les héritiers de Georges V. Rappelons, d’ailleurs, que si le jeune duc de Brunswick s’alliait à la famille impériale, c’est que sa mère y avait consenti.

Le mariage eut lieu à Berlin le 23 février 1913, avec une pompe inaccoutumée dont la présence de l’empereur de Russie, du roi et de la reine d’Angleterre, et de tous les souverains allemands, relevait l’éclat. Pendant quatre jours que durèrent les fêtes, les rues de la capitale furent remplies d’une foule curieuse de voir passer les princes et qui, contrairement à ses habitudes, saluait de ses acclamations la famille impériale. Le discours que prononça Guillaume II au diner qui suivit le mariage et que les journaux ont alors publié, trahit la vivacité du sentiment que le père éprouvait en se séparant de sa fille. Elle était son enfant gâtée. Seule, elle avait la liberté que n’eût osé prendre sa mère d’entrer dans le cabinet de l’Empereur lorsqu’il délibérait avec ses ministres. Pendant la cérémonie du mariage, son émotion parut aux spectateurs encore plus marquée que celle de l’Impératrice ; elle ne fut égalée que par celle du duc de Cumberland. Les deux princes n’étaient pas seulement touchés dans leurs sentimens de famille ; c’était aussi l’oubli jeté sur les événemens de 1866, la réconciliation de la maison des Guelfes avec la maison des Hohenzollern, l’acceptation de la spoliation dont la première avait été la victime quarante-sept ans plus tôt et l’assentiment donné par elle à l’annexion du Hanovre à la Prusse. Au surplus, ne semblait-il pas que tous les anciens adversaires se fussent donné rendez-vous à Berlin ! Les souverains danois, descendans de Christian IX, avaient tenu à honneur de participer à la joie de la famille impériale : ils s’étaient fait représenter par le fils du prince Waldemar. Ne nous étonnons donc pas que Guillaume II ait alors considéré ce mariage comme l’acte le plus politique de son règne. A la soirée de gala qui, au cours des fêtes, eut lieu à l’Opéra, on le vit prendre la main d’une vieille amie de sa famille qui le félicitait et on l’entendit lui dire : « C’est un grand fait historique. »