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On avait remarqué la présence du duc de Mecklenbourg, régent du duché, parmi les invités, présence qui eût été incorrecte si sa régence n’eût pas été au moment de prendre fin. A cet égard, les décisions étaient arrêtées déjà et, quelques semaines plus tard, le gendre de l’Empereur, en faveur duquel le duc de Cumberland avait abdiqué, était proclamé duc régnant de Brunswick, et sa femme prenait rang parmi les souveraines des Etats confédérés.

Quand on rapproche l’événement que Guillaume II appelait un « grand fait historique » d’autres événemens qui devaient se produire à dix-huit mois de là et déchaîner par tout l’univers les calamités les plus tragiques, on est conduit à se demander s’il ne les prévoyait pas et si, sous les émotions du père de famille dont, chez tout autre que chez ce grand comédien, l’éloquence de la parole et le tremblement de la voix eussent attesté la sincérité, si sous ces dehors pacifiques ne couvaient pas déjà les desseins criminels que la postérité lui reprochera. Assurément, il attachait un grand prix à écarter de lui tous les soupçons. La Gazette de l’Allemagne du Nord, obéissant aux inspirations de la Wilhelmstrasse et prenant acte de la présence du roi d’Angleterre et de l’empereur de Russie aux fêtes du mariage, écrivait : « Elle est provoquée par un événement de caractère familial ; mais elle n’en est pas moins la preuve que l’Europe peut y trouver l’espoir que l’horizon politique s’éclaircit. » Était-ce là autre chose qu’un mot et suffit-il pour nous empêcher de croire que l’Empereur songeait à la guerre ? On était en février et le 4 novembre suivant, il déclarait au roi des Belges qu’elle ne pouvait plus être évitée.

On peut alléguer que huit mois sont plus que suffisans pour modifier une conviction et que l’opinion exprimée en novembre ne prouve rien contre la sincérité de celle de février. Mais le 1er janvier précédent, à la réception du corps diplomatique, modifiant vis-à-vis de M. Jules Cambon son attitude bienveillante et allègre du 1er janvier 11112, témoignage éclatant de sa satisfaction d’avoir vu se régler pacifiquement l’affaire d’Agadir, il lui avait dit d’un ton sévère : « Monsieur l’ambassadeur, voilà vingt ans que je tends la main à la France et qu’elle me la refuse. »

Ne semble-t-il pas que ce langage fût gros de menaces et sentît la poudre ? Est-il illogique de l’interpréter comme la