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les difficultés de l’observation diurne, avait prématurément arrêté notre première ligne devant ses objectifs. L’intervalle qui l’en séparait était double ou triple de « la distance d’assaut » où l’on a coutume, sur le front occidental, de placer les parallèles de départ. En arrière et tout proche de ce système ingénieux, plusieurs villages organisés en centres de résistance offraient aux troupes des abris plus confortables que les tranchées occupées seulement par des garnisons de sûreté avec lesquelles elles communiquaient par des fossés aménagés en boyaux. Les tertres qui commémoraient depuis des siècles les tombes oubliées des roitelets locaux étaient creusés en postes d’observation et de mitrailleuses ; capitonnés de ciment armé, ils pouvaient défier les projectiles de notre artillerie lourde, et leur camouflage habile les vouait moins aux coups des 155 que les clochers et les maisons.

Sur les montagnes qui dominent la plaine et qui couvraient les flancs des lignes de Kenali, l’adversaire avait usé de moins d’artifice. Les versans abrupts, les flanquemens naturels dans les roches, l’impraticabilité des sentiers, protégeaient ses tranchées mieux encore que les épais réseaux visibles de loin. Mais on devinait, dans les ravins, los abris à contre-pente qui mettaient la garnison et le matériel hors de l’atteinte des obus. Pourtant les bois, les vallées encaissées, les arêtes rocheuses nous invitaient aux offensives où la valeur des troupes et l’initiative des moindres chefs pouvaient assurer peu à peu l’avantage à l’assaillant.

Ainsi, dans la plaine, on se trouvait devant une position dont la force était mal connue et que son apparence bénigne faisait supposer peu redoutable ; dans la montagne, il semblait presque impossible de tenter autre chose que des conquêtes d’observatoires et d’emplacemens dominans pour l’artillerie. La difficulté des ravitaillemens par animaux de bat et chars indigènes rendait en effet les projets d’attaque générale sur les hauteurs moins séduisans que des plans de bataille bien ordonnée dans la plaine, dont les péripéties tentaient déj) les opérateurs de cinémas. D’ailleurs, tout y conviait : les villageois qui persistaient à indiquer la région de Prilep comme refuge de l’ennemi en fuite ; les déserteurs bulgares avec les doléances habituelles sur la morgue de leurs officiers allemands, sur la lassitude et la misère des soldats ; enfin la prudence d’adversaires qu’on ne