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communion, des jeunes filles de la réunion dominicale, des domestiques, de petits commerçans... »

Tous sont calmes, « anxieux seulement. » Parfois, un incident déride les visages que l’angoisse contracte. Une grosse femme arrive. Elle a mis sa belle « rhabillure, » comme on dit dans le Nord. Elle est vêtue d’un costume d’un violet éclatant et, dans une toile à carreaux que noue une corde, elle emporte sept paires de sabots. Une autre est chargée d’une partie de sa batterie de cuisine : casseroles, moulin à café... Toutes sont jeunes ou dans la force de l’âge. Ordre a été donné de ne pas enlever de mineures. Plusieurs, pourtant, n’ont que dix-huit ans...

« Vers huit heures, on nous rassemble. On nous remet par rangs de quatre : hommes devant, femmes derrière. Les soldats nous comptent minutieusement. Mlle de V... sa domestique, la jeune femme de chambre et moi formons un rang, désireuses de ne pas nous séparer... »

Les prisonniers remontent la rue Colbert pour aller, place Catinat, prendre le tramway qui doit les mener à la gare. Les femmes avancent, le corps déjeté sous le poids de leur bagage. « Nos parens, nos amis sont là, qui font la haie, se pressent, cherchant, parmi nous, les visages connus... » Comment rendre la souffrance des hommes qui, d’un regard désespéré, fixaient les prisonnières, sans rien pouvoir pour les délivrer ? Impuissans, ils serraient les poings dans le vide, les lèvres contractées par la rage. Quelques-uns, les plus vieux, pleuraient. Le curé de la paroisse est venu. Debout dans sa soutane sombre, il bénit chaque groupe, les uns après les autres : Benedicat vos omnipotens Deus... Benedicat vos !

C’est dans les hangars de marchandises de la gare Saint-Sauveur qu’on entasse les déportés : toutes les issues en sont gardées.

« Dans le vaste hall, nous sommes au moins six cents. Je vais de groupe en groupe. La vaillance des victimes étonne les sentinelles :

— C’est drôle, elles ne sont pas tristes, ces mademoiselles !

Cependant certaines d’entre nous, dans l’espoir de se faire libérer, veulent voir le major ; mais quelque grave raison de santé qu’elles invoquent, le major leur répond : « L’air de la