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Les femmes haussent les épaules :

— Hé ! vous ne resterez pas ici. Avec quoi vous nourrirait-on ? Il n’y a rien.

Nous attendons toujours. Mon Dieu ! que je suis fatiguée !

Un bruit, enfin, se répand. A l’extrémité de notre colonne, il y a une maison. On y passe une visite. Je vais aux informations : c’est d’une visite médicale qu’il s’agit. Les détails nous en parviennent par bribes, nous indignent : on passe, une par une, devant le major et complètement dévêtue !

Je m’adresse au maire :

— Monsieur, je vous en prie, n’y a-t-il pas moyen d’échapper à cette visite ?

Il a un geste d’impuissance :

— Les Allemands sont les maîtres, madame. Quelle que soit leur volonté, il nous faut la subir. »

Yvonne X... est révoltée. Pour la première fois, depuis son départ, elle pleure. Elle retourne trouver ses compagnes. Ensemble, elles interrogent une des prisonnières qui vient de passer la visite :

— « Ils » prétendent que c’est dans notre intérêt, parce que nous devrons coucher à deux, dans le même lit... que deux « personnes » ont déjà été reconnues suspectes...

Cependant, les protestations des victimes produisent leur effet. Le major est contraint de se montrer plus convenable : « Quand mon tour vient, vers midi, déclare Yvonne X... tout se passe correctement... »

Les heures tournent lentement. Le soleil brûle. Après avoir souffert du froid, pendant la nuit, les prisonnières souffrent de la chaleur : « Nous sommes horriblement sales ; nous faisons une toilette sommaire à la pompe de la gare ; puis, assises sur le bord de la route, nous déjeunons de nos restes... Les maires de douze localités dépendant de la Kommandantur ont été convoqués pour trois heures. Nous les voyons arriver avec des chariots destinés à transporter les bagages et celles d’entre nous qui sont le plus fatiguées. On nous questionne, on nous groupe, on nous répartit. Les captifs, qui ont été enlevés en même temps que leur femme ou leur sœur, peuvent réclamer celles-ci. Je fais une liste de nos six noms. Je prie qu’on nous laisse ensemble. Nous sommes, paraît-il, désignées pour un village des environs. Mais le maire consent à nous garder ici avec une