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Mais, bientôt, elles sentent leur cœur bondir d’allégresse, elles rient, elles s’embrassent.

« Avec une sorte de fièvre, nous rassemblons nos quelques effets. Nous commencions nos valises, quand Hélène D... arrive en coup de vent :

— Le commandant veut vous voir. Venez vite à la maison.

Dans le salon de Mme D... le commandant est assis sur le canapé, les jambes croisées. Il examine les jeunes filles d’un air narquois :

— Ah ! ah ! c’est qu’elles n’ont déjà plus la même figure ! Elles veulent bien me regarder, à présent... »

Croyant qu’elles lui doivent leur retour, les captives le remercient.

— Oh ! je n’y suis pour rien. J’ai reçu une dépêche de Lille vous réclamant.

Le commandant attend un de ses officiers, et comme ce dernier tarde, il demande à Yvonne X...

— Racontez-moi donc comment cela s’est passé à Lille.

« J’obéis. Je ne retranche aucun détail. Je décris la brutalité de notre enlèvement. A tout moment, le commandant m’interrompt :

— C’est inconcevable ! C’est vraiment inconcevable !

Et, s’adressant à notre hôtesse :

— Je pense à ma femme, à ma petite Maria-Ursula.

Puis :

— « Ils » ont fait cela bêtement. Tenez, hier, je vais à Z... Un émigré me demande sa libération. Je m’informe de sa profession. Il me répond : chanteur à l’Opéra ! »

El le commandant rit bruyamment... Après quoi, se tournant vers les jeunes filles, il les accable, à la mode allemande, de complimens d’une fade galanterie. Il ne s’arrête plus au milieu de ses hyperboles :

— Vous êtes contentes de partir. Moi, je suis désolé ! C’est la fleur de « Mon Idée » qui s’en va... Il ne faut pas dire : non... Tout a son utilité en ce monde, les fleurs et les choux !

« Nous trépignons d’impatience. L’heure passe. Nos bagages ne sont pas faits. Enfin, l’officier arrive. Le commandant se lève ; mais, peu pressé, lui, il entame la question de la guerre :

— Il n’y aurait pas la guerre, assure-t-il, si vous le vouliez.

C’est si énorme, cette affirmation, que je proteste :