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était donnée comme zone d’opérations ; ils maugréaient contre la lenteur des Russes et des Français dans la plaine, des Français dans le massif montagneux qui sépare le bassin de la Cerna du lac Prespa. Leur fougue contrariait les projets des Bulgares. Elle les faisait pénétrer comme un coin dans le dispositif ennemi, par des succès partiels dont le total provisoire contraignait l’adversaire à reculer et déterminait un nouveau bond de leurs alliés.

A cette lente offensive par échelons les Bulgares opposaient leur parade méthodique. Ils rompaient d’un seul coup pendant la nuit et reportaient leur front en arrière, juste assez loin pour le mettre hors de portée de notre artillerie dont le déplacement leur assurait un répit nécessaire pour l’exécution de leur plan. Ils se croyaient encore talonnés par des forces imposantes, et cette illusion que leur donnait la prise successive des cotes 1212 et 1378 par les Serbes, l’attaque fougueuse des Russes sur la Bistrica, déterminèrent l’abandon de Monastir plus vite qu’ils ne l’avaient sans doute projeté. Afin d’alléger leur retraite, ils incendièrent leurs magasins sans toucher à la ville, et les énormes gerbes de fumée, les nappes de flammes qui montaient plus haut que les minarets annoncèrent au loin, pendant tout un jour et toute une nuit, la résolution de l’adversaire qui s’avouait vaincu.

L’occasion était donc propice de changer sa retraite en déroute, de donner tout au moins de l’air à Monastir, où le général Leblois, commandant des forces disparates de l’Entente dans cette partie de la Macédoine, faisait son entrée le 19 novembre. Le barrage provisoire que les Bulgares tendaient entre les montagnes 1050 et 1248, pour retarder la poursuite, ne paraissait défendu que par de faibles arrière-gardes : « On doit tenir trois jours et s’en aller ensuite à Prilep, » affirmaient les déserteurs et les prisonniers. Mais la mince barrière n’était pressée que par un rideau ténu. Si l’ennemi était battu, les vainqueurs étaient peu nombreux et las. Les chefs bulgares ne tardèrent pas à le deviner. Ils y furent aidés par leurs conseillers allemands. De la mollesse de l’attaque ils conclurent à l’inefficacité de la poursuite et à la possibilité de garder un terrain qui n’était pas encore perdu. Ils ramenèrent vers le Sud les détachemens qui avaient déjà dépassé Prilep ; ils fixèrent par des contre-ordres les troupes qui reculaient lentement dans les montagnes à