Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/937

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

idées, celles qu’on appelle croyances, et qui sont la solidité suprême dans le désastre universel.


C’est à ses idées ou croyances que s’attache M. Henri Lavedan ; c’est à leur opportun service qu’il a consacré son livre, La famille française.

On se bat, dit-il, on veut la victoire, et l’on s’égorge et l’on s’extermine, — sic vos non robis, — pour les enfans. Les hommes qui sont à la guerre et qui prodiguent leur courage ont fait abnégation d’eux-mêmes ; leur sacrifice est au profit de l’avenir. Et donc il faut que dure le principe même de la continuité, de la fécondité, la famille. Or, la famille est en péril et, avec la famille, la fécondité française. Pour mille habitans, vingt-six naissances déclarées dans les années 1874-1876 ; dix-huit dans les années 1911-1915. Et les chiffres de la natalité, pendant cette période de quarante ans, baissent perpétuellement : il n’y a point une année où ils se relèvent, point de caprice dans la ligne descendante... « Cette idée effrayante et certaine, que la France, comme si on la tuait petit à petit, périt faute d’enfans, pénétrera-t-elle enfin dans les masses profondes et s’établira-t-elle comme une nécessité humaine, comme un devoir qui barre la route, auquel on ne peut plus se soustraire et qu’il faut remplir si on veut avancer... respirer, vivre ? »

Le problème n’est pas nouveau ; moins il l’est, et plus il devient urgent, à mesure que le mal augmente : et puis la guerre, « la guerre, avec ses hécatombes, qui aggrave et précipite la formidable baisse. » Le problème de la famille est ainsi un problème de guerre.

M. Lavedan l’examine avec un soin parfait, et avec une inquiétude qui donne à tout son livre un accent très pathétique. Il étudie les différentes classes de la société, les riches et les pauvres ; et il n’est pas dupe de la séparation trop nette qu’on établit facilement des pauvres aux riches : mais il étudie les demi-pauvres, et les riches qui n’ont pas de fortune, ceux mêmes qui n’ont pas le sou, enfin les variétés des classes dites moyennes. Il étudie les conditions de l’existence. Il étudie la vieille fille et le vieux garçon : pour les connaître, il ne se borne pas à l’opinion commune. Le vieux garçon qu’il réprimande, ce n’est pas le « caractère de comédie, venu de Scribe ou de Barrière et qui fait songer à Balzac ou à Paul de Kock : » c’est le vieux garçon d’aujourd’hui, lequel a cessé d’être « un personnage gai et inoffensif de roman et de théâtre. » Sa vieille fille n’est pas un type une fois indiqué : il aperçoit de nombreuses variétés de vieilles filles ;