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avant de les accuser, il les comprend. Sa finesse de psychologue va très loin dans l’intimité des âmes ; et il pénètre jusqu’à des secrets que les familles dissimulent, secrets qui, lentement d’abord et de plus en plus vite, ont pour effet de ruiner les familles. Plus d’un passage de son livre est un drame : un drame où sont en jeu des êtres innocens presque tous, et les plus coupables presque innocens ; un drame où est en jeu. surtout, la patrie.

Que faire ? Eh bien, des lois !... C’est le cri du cœur. Une loi, quelques lois : après cela, nous sommes tranquilles. Nous avons tort !... D’ailleurs, les lois ne sont pas toutes dénuées de toute efficacité. Probablement n’est-il pas vain qu’on prodigue aux familles nombreuses les encouragemens et l’aide sociale. M. Lavedan ne néglige pas les lois : il ne néglige rien, quitte à être méticuleux, avec raison. Mais, ce qu’il a très bien vu, c’est l’insuffisance des lois : « Les meilleures mesures d’ordre pratique, prises et appliquées, ne serviront à rien, malgré leur programme d’efficacité, si elles ne commencent par découler d’un nouvel état d’esprit franchement résolu, d’une conscience ressaisie... » Le problème de la famille est complexe : et, à tous égards, il apparaît, en dernière analyse, comme un problème moral. Refaire la famille, c’est par « une reprise de jugement, de raison, par un retour définitif aux éternels principes qui ont pour mission de régir la conduite humaine, » qu’on y réussira, qu’en tout cas on doit tâcher d’y réussir. Il faut une moralité nouvelle : et c’est l’ancienne moralité française retrouvée. Or, les conséquences morales de la guerre ne sont pas toutes visibles ou prévisibles dès à présent ; nous avons un immense inconnu devant nous. Cependant, il semble que la longue et dure épreuve de la guerre nous ramène aux idées et usages qui composaient anciennement la vie française, et il semble que nous retournons au bon sens. On n’ose dire davantage.

Il sera utile et indispensable même que tout le dévouement des hommes qui sont, par l’esprit et par le talent, les guides véritables de la nation, collabore à la meilleure et seule juste et salutaire interprétation de l’épreuve. C’est l’exemple que propose, avec une très belle ardeur, l’auteur de Servir, qui tient à servir et n’y manque pas.


ANDRE BEAUNIER.