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REVUE SCIENTIFIQUE

LA PRÉPARATION DU TIR DE L’ARTILLERIE

« Des canons, des munitions ! » ce leit-motiv aujourd’hui célèbre a été une formule véritablement heureuse pour nos armées, et il faut s’étonner qu’elle ait été si longue à s’imposer à quelques-uns de ceux qui avaient charge de préparer la guerre. Mais, si féconde qu’elle ait été et doive être encore, elle ne saurait suffire à tout. En effet, s’il n’était besoin pour vaincre que de projectiles lancés en vrac sur la bande de terrain où, de la mer aux Vosges, se tient l’ennemi, un calcul simple montre qu’il faudrait pour l’en déloger un nombre de ces projectiles pratiquement infini, ou du moins des milliers de fois supérieur à ce qu’on pourra jamais réaliser.

Faute d’être en état d’arroser uniformément d’une pluie continue de projectiles tous les points du terrain où peut être l’ennemi, où il peut aussi n’être pas, on a depuis longtemps lâché de ne tirer qu’aux endroits où il est réellement. Autrement dit, on a cherché à compenser le nombre forcément limité des obus par la précision et l’économie du tir, c’est-à-dire en préparant et en réglant celui-ci.

Si deux duellistes se battaient au revolver à une distance donnée et que l’un eût un bandeau sur les yeux et disposât de dix mille cartouches, il serait infailliblement vaincu par son adversaire, celui-ci n’en pût-il tirer que dix. S’agit-il de faire taire une batterie ou de détruire un abri de mitrailleuses, deux coups au but seront plus efficaces que des milliers à côté. Toutes ces choses, qui sous la forme où je les présente semblent plus que des truismes, ces vérités d’évidence que certaines théories outrancières négligent peut-être un peu trop, prouvent en définitive que la précision du tir, c’est-à-dire sa préparation