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et son réglage, sont une des meilleures manières de multiplier les projectiles, je veux dire les projectiles utiles.

Bien tirer est une des solutions les plus simples et la plus économique du problème des canons et des munitions, dont d’ailleurs le nombre, encore un coup, ne saurait jamais être trop grand.

Les problèmes que soulèvent la préparation et le réglage des tirs d’artillerie sont donc fondamentaux. Les solutions qu’on leur donne dans la pratique sont connues de tous ceux qui, dans le monde, se sont un peu occupés de balistique pratique, — et Dieu sait si le nombre s’en est multiplié depuis trois ans ! — Dans l’exposé que je voudrais faire ici de ces solutions classiques et en évitant le langage ésotérique des initiés, ces spécialistes ne découvriront rien, je pense, qui ne leur soit connu ; aussi n’est-ce point « à eux que ce discours s’adresse. »


Les règles, — car ce sont des règles ! — qui président à la façon dont se répartissent sur le terrain les coups de canon qu’on y tire, sont les mêmes qui répartissent les petites boules d’ivoire dans les compartimens de la « roulette » en ces palais somptueux où les gens trop riches... ou trop pauvres allaient naguère, quand on avait encore le temps d’avoir des vices, changer leur or contre un peu d’espérance ou d’angoisse. Ce sont les lois de la chance... et de la malchance, ou comme on dit en Sorbonne du calcul des probabilités. Frédéric II l’avait bien compris qui accordait l’empire des champs de bataille à « Sa Sacrée Majesté le Hasard. » Une analyse un peu serrée montre en effet que ce que nous avons accoutumé d’appeler le hasard n’est que la probabilité d’un événement donné, lorsque cette probabilité nous est inconnue. Le hasard n’est qu’un de ces mots plus nombreux qu’on ne croit et derrière lesquels nous essayons pudiquement de cacher notre ignorance.

Mais dans beaucoup de cas, la probabilité des choses nous est accessible. Par exemple, si l’on joue à pile ou face, la probabilité pour que pile sorte est égale à 1/2. Cela ne veut pas dire que, si on fait quatre parties, pile sortira toujours deux fois ; mais cela veut dire que, si on joue mille parties, il sortira à très peu près cinq cents fois. Autrement dit, le calcul des probabilités n’est valable que sur un très grand nombre de cas. Comme le nombre des coups de canon qu’on tire à la guerre est, hélas ! très grand, et que même le nombre des obus lancés par une seule pièce l’est en général aussi, ces nombres sont justiciables du calcul.