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que, pour une même charge propulsive, une augmentation de poids se traduit tantôt par une augmentation, tantôt par une diminution de la portée. La portée est diminuée aux faibles distances parce que la vitesse initiale est réduite par l’alourdissement du projectile que propulse une force inchangée. Mais, du fait même que le projectile alourdi a une vitesse initiale diminuée, la résistance de l’air est aussi diminuée (puisqu’elle croît, comme on sait, avec le carré de la vitesse). Il s’ensuit qu’après une certaine durée de trajet dans l’air, le projectile alourdi a regagné une vitesse égale à celle du projectile ordinaire ; et cette vitesse, il la conserve mieux que celui-ci, comme je l’ai expliqué, et finit par le dépasser. Pour le 75, c’est vers 3 500 mètres que se produit ce changement de sens dans l’effet du poids du projectile sur la portée.

D’autre part, le calibrage des obus n’est jamais parfait et uniforme ; il s’ensuit que les centres de gravité de plusieurs obus successifs, qui dépendent par surcroit de la répartition et du tassement variables de l’explosif inclus, ne sont pas rigoureusement au même point de ces projectiles. Il en résulte que leurs mouvemens de « nutation [1] » sur leurs trajectoires varient ; que, par conséquent, la grandeur de la résistance opposée par l’air varie aussi, et, de ce fait, leurs portées sont inégales.

Il n’est pas jusqu’à l’état extérieur des projectiles qui n’ait sur celles-ci des effets importans. J’ai expliqué ici même, à propos de l’aviation, combien est importante pour le déplacement rapide d’un mobile dans l’air la rugosité ou le poli de sa surface. Des différences énormes dans les résistances aériennes peuvent en provenir, et c’est pourquoi le vernissage des surfaces alaires des avions est si important. Pareillement, les plus petites rayures, les plus légères dégradations, dans la surface extérieure des obus, influent sur leur trajectoire ; aussi cherche-t-on à les éviter le plus possible en les protégeant par une couche de peinture ou de coaltar. Telles sont les principales causes, provenant des obus eux-mêmes, qui tendent à disperser les coups successifs d’un même canon tirant sur hausse unique.

2° Des effets du même genre proviennent de la charge de poudre qui propulse l’obus. Le poids de cette poudre n’est pas, dans toutes les

  1. Les obus ogivaux ne restent pas rigoureusement à chaque instant sur leur trajectoire, c’est-à-dire que leur axe ne reste pas tout à fait parallèle à celle-ci ; mais ils sont animés autour d’elle d’un petit mouvement de va-et-vient, d’oscillation, qui est une des causes de leur sifflement dans l’air et qui est analogue à la « mutation » de la lune sur son orbite, qui fait que nous connaissons en réalité, à cause du balancement de celle-ci, un peu plus de la moitié de sa surface.