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Mais si les coups de canon n’ont pas une influence notable sur l’état de l’atmosphère, ils sont au contraire extrêmement sensibles à celui-ci. Cela est facile à démontrer :

Le vent, en premier lieu, a un effet très important sur les trajectoires des obus. Quand le vent est dirigé exactement dans le sens de la trajectoire, il est clair qu’il allonge celle-ci puisque, dans ce cas, la vitesse de l’obus par rapport à l’air qui va dans le même sens est diminuée, et que par conséquent la résistance de l’air qui dépend de cette vitesse est rendue bien moindre. Par exemple, un obus qui, dans la partie de sa trajectoire où sa vitesse est de 100 mètres à la seconde, traverse un vent de même sens de 10 mètres de vitesse (ce qui est un vent moyen) éprouve de la part de l’air une résistance d’un cinquième plus petite que s’il traversait un air calme et de deux cinquièmes plus petite que dans le même vent se déplaçant en sens contraire.

On conçoit que les portées en soient profondément altérées. En effet, si l’obus se déplaçait, — je fais une hypothèse naturellement irréalisable, seulement pour mieux faire comprendre ma pensée, — dans un vent dont la vitesse et la direction fussent constamment égales aux siennes, il n’éprouverait de la part de l’air aucune résistance et sa portée serait égale à sa portée théorique dans le vide. Or le 75 porterait à près de 28 kilomètres dans le vide, alors qu’en fait sa portée maxima est inférieure à 10 kilomètres ; pour les pièces plus lourdes, la différence entre la portée dans le vide et la portée réelle est proportionnellement moins forte, car l’effet de la résistance de l’air est moindre sur les projectiles lourds ; mais cette différence reste toujours considérable, et l’exemple précédent suffit donc à montrer que les effets du vent peuvent être très grands. Pour les calculer exactement, il faut tenir compte des variations de vitesse et de direction du vent avec l’altitude, qui sont notables et qu’on ne connaît jamais exactement. Ces calculs vérifiés par l’expérience établissent par exemple qu’un vent de 10 mètres produit un écart d’environ 150 mètres dans la portée du 75 tirant à 5 000 mètres et d’environ 330 mètres lorsque celui-ci tire à 8 000 mètres. — Pour le canon de 95 à la distance de 6 000 mètres un vent longitudinal de 10 mètres entraîne une variation de portée de 97 mètres avec l’obus à vitesse initiale de 414 métrés et une variation de 360 mètres (4 fois plus grande) avec l’obus à mitraille à vitesse initiale de 308 mètres. Cette différence provient surtout de ce que l’obus à plus faible vitesse initiale parcourt dans l’air, pour arriver au même point que l’autre, une trajectoire beaucoup