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et l’industrie humaine ont si profondément transformé.

M. Du mont-Wilden adonné, de la région de Charleroi, quelque temps avant la guerre, une description qu’on croirait faite exprès pour expliquer le drame militaire qui allait s’y dérouler :


Quand, du haut du plateau, qui, au Nord, domine la Sambre et qui a conservé le caractère agreste que toute cette partie du Hainaut avait avant l’envahissement de l’industrie, on découvre tout à coup le pays de Charleroi, on ne voit d’abord qu’une immense agglomération ; on se croirait aux abords d’une ville gigantesque, d’une ville presque aussi grande que Londres. Des multitudes de fabriques envoient dans le ciel, par leurs hautes cheminées, des nuages fuligineux ; les maisons succèdent aux maisons, les rues aux rues, et c’est à peine si, çà et là, le parc d’un directeur d’usine, un champ ou un bois oublié piquent une note verdoyante dans cet horizon noirâtre. Ce pays de Charleroi n’est, en effet, qu’une agglomération de faubourgs ouvriers. Jumet, Gilly, Lodelinsart, Courcelles, Montignies, Couillet, Roux, Marchiennes-au-Pont, Marcinelle, Gosselies, Fontaine-l’Évêque qui n’étaient, il y a cinquante ans, que de modestes villages sont aujourd’hui peuplés comme des villes. Ils étendent au loin leurs maisons basses se touchant l’une l’autre à tel point que l’étranger qui parcourt le pays se figurerait aisément, après l’avoir traversé tout entier, qu’il n’a pas quitté le faubourg de Charleroi.


Ce sont donc de longs faubourgs industriels se développant sur les bords de la Sambre et du canal, du côté qui regarde Namur et, à gauche, le long de la route qui gagne Mons. Sauf quelques coupures verdoyantes, la région est barrée, en quelque sorte, par la succession fastidieuse des corons et des maisons ouvrières, tassés aux pieds des usines et dont l’horizon est encombré par la forme géométrique des « terrils. »

Au-dessus de cet océan de maisons, d’ateliers et d’usines, toujours couvert d’une atmosphère de fumée, s’élèvent, de part et d’autre, en pentes assez rapides, les deux lignes de collines parallèles à la rivière. Elles sont ravinées par le cours de petits ruisseaux descendant vers la Sambre et déterminant, ainsi, des redans dont les avancées forment les défenses naturelles de la vallée.

Les pentes et les crêtes se surveillent de part et d’autre et forment des observatoires d’où les artilleries peuvent se canonner entre elles, mais sans atteindre les fonds que par des tirs courts et plongeans.