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à l’expression des idées pures. Là encore cependant, on peut suivre les tendances nouvelles. Ce dédain de la spéculation abstraite, ce goût de l’action qui caractérisent les récentes écoles philosophiques, on les retrouve dans les dernières pièces d’Alexandre Dumas fils, dans le théâtre de M. Brieux : tous deux veulent agir, prêcher, répandre, par les moyens propres de leur art, des idées morales ou sociales qu’ils estiment plus justes et meilleures que d’autres : ces dramaturges sont, à leur manière, des pragmatistes. Et l’on pourrait en dire autant de Paul Hervieu, au moins pour ses premières pièces, les Tenailles, la Loi de l’homme. Mais l’écrivain qui a posé le plus fortement à la scène le grand problème moderne, celui des droits et des limites de la science, est sans contredit l’original auteur de la Nouvelle Idole, M. François de Curel : le titre même de la pièce méritait de faire fortune, et si l’ouvrage n’a pas fait autant de bruit que le Disciple de M. Bourget, c’est peut-être qu’il n’était point le premier en date. M. de Curel est l’un des principaux initiateurs de ce « théâtre d’idées » qui pourrait bien être la forme par excellence du théâtre de l’avenir. A ce nouveau théâtre, en tout cas, appartient l’une des plus récentes pièces de M. Henri Lavedan, le Duel, qui représente l’éternel conflit entre la Foi et la Science. Et assurément, elles ne sont pas fort nombreuses les œuvres dramatiques contemporaines qui traitent d’aussi graves questions. Mais même chez celles qui ne visent qu’à être une représentation suggestive de la vie, — dans le théâtre de Jules Lemaitre, par exemple, dans celui de M. Maurice Donnay ou de M. Edmond Rostand, — on sent un besoin très vif de se rattacher à la tradition nationale, d’exalter des héros ou des sentimens bien français, d’échapper aux compromissions du cosmopolitisme, aux « nuées » qui nous viennent de l’étranger. !

Plus libre dans ses allures, moins asservi à des conventions, dont les unes sont transitoires, et les autres nécessaires, le roman moderne offre de la vie nationale, et de la vie intellectuelle comme de la vie morale ou sociale, une image plus complète que le théâtre. On y peut suivre plus clairement les divers courans de pensée qui se sont fait jour dans la France d’avant la guerre. En même temps que le scientisme, dont il est d’ailleurs l’expression littéraire, le naturalisme a fait banqueroute. Zola lui-même, dans ses derniers romans, donne à