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et sa foi patriotique, et qui n’a cessé, par ses fictions comme par ses prédications directes, de nous montrer dans le retour aux croyances et aux pratiques chrétiennes la condition du relèvement national. C’est M. Maurice Barrès, artiste subtil et puissant, théoricien et romancier du « nationalisme » intégral, dont l’intelligente sympathie pour la religion traditionnelle s’est manifestée d’une manière croissante, et qui, d’instinct, s’est constamment insurgé contre toutes les idéologies d’importation germanique. Et c’est enfin M. Paul Bourget.

Celui-là, plus conséquent qu’Édouard Rod, après avoir longtemps poursuivi l’anxieuse enquête qu’il avait entreprise sur les maladies morales de notre temps, éprouva un jour le besoin de conclure. Et sa conclusion, — qu’avait prévue Taine, — fut que, tout se passant dans le monde « comme si » le christianisme était la vérité, il y avait lieu de tenir pour non avenues les objections qu’une science superficielle et mal informée avait formulées contre le christianisme. Revendiquant pour le romancier le droit de pratiquer ce qu’il appelait « l’apologétique expérimentale, » il conçut et exécuta une série d’œuvres fortement charpentées, puissamment dramatiques, et qui, toutes, nous suggèrent l’idée que « pour les individus comme pour la société, le christianisme est, à l’heure présente, la condition unique et nécessaire de santé et de guérison. » L’Étape, Un Divorce, le Démon de midi sont l’aboutissement et le couronnement d’une pensée qui déjà s’esquissait dans le Disciple et qui, après en avoir provoqué d’autres, se développait avec une vigueur, une franchise à n’y rien souhaiter.

Autour de ces maîtres, les derniers venus du roman contemporain, chacun avec son tempérament propre, travaillent dans des directions voisines. Tous sont détachés de l’ancien rationalisme et de la foi superstitieuse dans le pouvoir indéfini de la science. Tous enfin ont le pressentiment que les grands devoirs d’action qui vont s’imposer à la jeunesse nouvelle ne sauraient s’appuyer sur une base aussi fragile et aussi ruineuse. Tous ils estiment qu’on ne bâtit pas une morale et qu’on ne reconstruit pas une patrie sur la simple raison pure.

Ces idées se retrouvent, plus fortement motivées et plus longuement déduites, chez les maîtres de la critique. Ne parlons ici que des morts. Si peu dogmatiques qu’ils aient été au cours de leur carrière, Émile Faguet et Jules Lemaître n’ont