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aux cultures est considéré comme un privilège relatif. Mais les mines de sel ou de charbon, les usines et les grands chantiers de travaux publics sont des enfers ; aussi les malheureux qui y sont condamnés tentent-ils, par tous les moyens, d’échapper à leur horrible sort : maladies simulées, plaies maquillées, refus de travail, — ou évasion. Le nombre des réfractaires augmente dans de telles proportions, que, les prisons ne suffisant plus, on crée pour eux une « compagnie de discipline » bientôt au complet. C’est là qu’on puise maintenant pour fournir de travailleurs les plus redoutables des kommandos, — ceux des mines. Enfermés dans les bâtimens qui entourent le puits, les condamnés aux mines n’en sortent jamais. Sous une surveillance continuelle, ils travaillent par équipes en compagnie de civils. Ces derniers sont impitoyables, touchant une prime sur le rendement de leurs prisonniers. Tous sont armés de courtes matraques de caoutchouc durci. Pour toute résistance ou défaillance signalée, le malheureux est séparé de ses compagnons, coincé dans une galerie par trois ou quatre Boches et à moitié assommé. Les cas de rébellions collectives, nombreux au début, ont été durement réprimés, à coups de revolver tirés dans le tas. Il arrive bien qu’une de ces brutes soit surprise un beau jour et reçoive un mauvais coup, mais c’est rare et cela coûte cher. Il y a équipe de jour et de nuit, avec dix heures de présence au fond. Le travail consiste à faire sauter les quartiers de minerai à la dynamite. Les accidens sont fréquens, car les Allemands ne prennent aucune précaution. Qu’importe ! les manquans sont vite remplacés. Puis il faut charger à bras les berlines, en nombre déterminé et toujours croissant : labeur excédant pour des hommes affaiblis par le manque de nourriture. Dans les mines de sel, à 1 200, 1 800 mètres, la chaleur est effrayante ; les hommes sont nus, sous les ventilateurs glacés ; ils sont inondés d’eau, enduits de croûtes de sel et de salpêtre qui leur rongent la peau. Couverts de plaies, ils n’ont plus que la force, en remontant, de se laver, manger et tomber sur leur paillasse comme de pauvres bêtes, assommées par un sommeil écrasant... que la sirène interrompra brutalement pour les rejeter dans le trou infernal.

On nous annonce que demain soir, dans la tente qui tient lieu de chapelle, nous pourrons nous réunir pour entendre une conférence qu’un neutre, paraît-il, fera à notre intention.