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fanfares jouant l’hymne national se mêlent à la clameur formidable. Les cœurs battent plus vite. Le cortège s’avance par la rue de la Loi, s’arrête place de la Nation. De la rue, des balcons, des fenêtres, des toits, partent des cris passionnés. La garde civique qui fait la haie se mêle à la manifestation. La Reine descend de sa berline traînée par six chevaux attelés à la daumont et pénètre dans le Palais avec le duc de Brabant, le comte de Flandre et la petite princesse Marie-José. Le Roi, à cheval, escorté par l’escadron de cavalerie de la garde civique et accompagné par les officiers de sa maison militaire, suit à quelque distance.

« Messieurs, la Reine ! » annonce une voix. Dans l’hémicycle, dans les tribunes, tout le monde est debout. Les regards se tournent vers la porte de gauche qui donne accès à la tribune aménagée pour la famille royale. Le délicat profil d’Elisabeth, duchesse de Bavière, troisième reine des Belges, apparaît tout à coup. Elle est vêtue d’une robe d’un bleu sombre et coiffée d’un chapeau à plumes blanches ; elle a l’air d’être en deuil, comme son cœur ne cessera de le rester durant les jours douloureux qui vont suivre. Emue jusqu’au fond de l’âme, elle reçoit, avec une grâce timide, le salut de l’assemblée. On entend au dehors le tonnerre d’acclamations qui accueille son époux... Il y eut quelques secondes de silence, durant lesquelles il semblait que chacun voulût graver dans sa mémoire l’image de cette femme et de ses blonds enfans, puis une ovation sans fin éclata dans la salle même. « Vive la Reine ! Vive la Belgique ! » Ministres, sénateurs, députés, journalistes, spectateurs, s’unissent pour donner, après le peuple de Bruxelles, un témoignage de fidélité et d’amour à l’auguste et frêle visiteuse si cruellement déchirée par le parjure allemand.

Pendant que se déroulait cette scène émouvante, Albert Ier arrivait à son tour devant le péristyle du Palais de la Nation et mettait pied à terre. La députation du Parlement, entraînée par l’élan populaire, joint ses acclamations à celles de la foule innombrable ; les bras tendus, les députés paraissent appeler au milieu d’eux le chef qu’ils attendaient. Le général de Coune, le vieux commandant de la garde civique, debout sur ses étriers, donne l’exemple d’un enthousiasme juvénile. Le Roi accueillit d’un mot les salutations de la députation et pénétra dans le Palais, tandis que l’escorte se rangeait sur la place. Une foule