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Une tempête de « Oui ! oui ! » sortit de toutes les bouches en réponse à cette interrogation. Les spectateurs des tribunes se joignirent aux députés pour affirmer que la résolution prise serait tenue sans défaillance et que rien n’aurait raison du patriotisme du pays.

Le Roi se recueillit, il parut prendre acte de ce serment et regarda longuement l’assemblée tumultueuse où une même volonté ardente convulsait les visages. Puis il reprit, affirma l’énergie dont le gouvernement ferait preuve dans l’accomplissement de sa tâche et conclut enfin :

« Si l’étranger, au mépris de la neutralité dont nous avons toujours scrupuleusement observé les exigences, viole le territoire, il trouvera tous les Belges groupés autour du Souverain qui ne trahira pas... »

Et avec une insistance que le compte rendu officiel s’est abstenu de noter, le Roi répéta en frappant le sol de sa botte : « qui ne trahira jamais son serment constitutionnel... et du gouvernement investi de la confiance absolue de la nation tout entière. »

L’ovation devenait du délire.

« J’ai foi dans nos destinées. Un pays qui se défend s’impose au respect de tous : ce pays ne périt pas.

« Dieu sera avec nous dans cette cause juste.

« Vive la Belgique indépendante ! »

Les larmes coulaient des yeux de la plupart des assistans. Dans la tribune diplomatique l’émotion n’était pas moindre qu’ailleurs et plus d’un des représentans de nos Alliés d’aujourd’hui ne put se contenir. Dans la salle, dans les tribunes, des cris rauques s’échappaient des gorges serrées. Le Roi, toujours maître de lui, pâle, résolu, contempla un instant cette manifestation sans précédent, puis brusquement plia les feuillets de son discours, les glissa dans sa tunique, descendit les marches de l’estrade et sortit de la salle comme s’il allait gagner son poste de combat.

L’ovation durait encore au Parlement que les acclamations du dehors annonçaient la sortie du Roi sur la place. Il monta à cheval. Une musique entonna la Brabançonne : j’entends encore ses notes se mêler à la clameur de la rue, qui grondait comme à l’arrivée. « On voyait un Roi, a écrit M. Dumont-Wilden, dans toute la rayonnante splendeur de ceux qui tiennent haut