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d’Elsenborn à la Baraque Michel, de Malmédy à Hockay et de Malmédy à Francorchamps. A onze heures, ils étaient à Warsage, à midi à Battice, à une heure à Verviers. A une heure, d’autre part, le premier combat s’engageait sur la Meuse, à Visé, car cette importante ligne stratégique est à quelques pas de la frontière allemande. Vers cinq heures, le fort de Fléron entrait en action. Le soir, le gros de l’armée de von Emmich s’établissait sur la ligne Bombaye-Herve-Remouchamps. Des incendies et des fusillades à Goiron, à Fouron-le-Comte ; à Berneau, à Mouland, à Warsage et à Battice montraient immédiatement le caractère féroce de l’invasion.

M. de Broqueville ne voulut pas laisser passer cet instant douloureux où la nécessité de coordonner tous les efforts pour le salut du pays apparaissait si clairement sans réaliser un acte politique de haute et lointaine portée. Le 2 août, un arrêté royal avait nommé MM. Paul Hymans et le comte Goblet d’Alviella, leaders du parti libéral à la Chambre et au Sénat, ministres d’État, titre honorifique qui place ceux qui en sont revêtus parmi les conseillers de la couronne sans leur conférer cependant de responsabilité ministérielle. Le Parlement ayant manifesté une confiance unanime dans le gouvernement, le président du Conseil jugea que l’heure était venue d’attribuer la même distinction au chef du parti socialiste, M. Emile Vandervelde. Le Roi était fort désireux de réunir autour de lui les représentans qualifiés des divers groupemens politiques. Le baron de Broqueville pressentit l’intéressé pendant la séance et s’assura de son patriotique concours. Sans plus tarder, il donna lecture de l’arrêté qui faisait du député à tendances républicaines un conseiller attitré du roi Albert. Cette manifestation de la politique d’union qui était celle du cabinet fut unanimement approuvée, et une foule de membres allèrent féliciter à son banc le nouveau ministre d’Etat et le ministre de la Guerre, pour leur acte de clairvoyance et de sagesse. Au cours de la séance, M. Vandervelde devait d’ailleurs donner au gouvernement, au nom de son groupe, la promesse chaleureuse d’un appui sans condition. Les exigences inéluctables du salut commun faisaient table rase des réserves qu’une tradition empreinte de verbalisme vieillot avait trop longtemps maintenues dans les déclarations de l’extrême gauche en matière de défense nationale. Tous les députés communiaient dans un vrai sentiment de fraternité.