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La place fut bientôt envahie. Le commandant du palais, toujours prudent, doublait déjà les gardes de service à l’entrée, quand un huissier qui était allé parlementer avec les premiers arrivans vint annoncer en séance que la foule réclamait au dehors le premier ministre. Des députés, M. Berryer, ministre de l’Intérieur, pressèrent le baron de Broqueville de se montrer un instant. Il parut enfin au balcon, salué d’une ovation sans fin. D’une voix puissante, qui retentissait sur la place, il adressa quelques paroles à la foule. Les voici telles que les recueillit le correspondant de la Métropole d’Anvers :

« Mes amis, laissez-moi vous dire deux mots qui viennent du plus profond de mon cœur. Il vient de se commettre un attentat qui est peut-être sans exemple dans l’histoire : le sol belge, malgré les promesses, malgré les garanties de notre neutralité, a été violé par des troupes allemandes. Du plus profond de mon cœur de Belge, je vous crie : c’est un attentat abominable qui ne peut être impunément accompli. L’armée a à sa tête un chef, un souverain d’une grande valeur dans laquelle la nation place à cette heure suprême sa confiance. Le roi Albert saura, avec l’aide de l’armée, sauvegarder l’intégrité du territoire. Il y a une chose que nous ne subirons jamais, c’est la domination. Vive le Roi ! Vive la Belgique ! »

À l’entendre, le délire de tout à l’heure se renouvelle. Hommes et femmes l’acclament. Des mères élèvent leurs enfans dans leurs bras. On crie : « Aux armes ! Des fusils ! » Des jeunes gens forment un monôme pour aller au bureau de recrutement. Le ministre rentra en séance comme auréolé à son tour par les témoignages vibrans de la confiance populaire.

Les mauvaises nouvelles affluaient cependant. Quelques députés venaient d’obtenir des précisions sur la marche de l’ennemi. M. Journez, député de Liège, se lève avant le vote :

« Messieurs, dit-il, nous venons d’apprendre que les armées allemandes sont actuellement à Dolhain et aux environs de Verviers. Dans ces conditions, nous considérons, nous députés de Liège, que notre devoir, la Chambre étant en nombre, est de nous rendre immédiatement dans notre arrondissement. »

C’est ainsi que, dès le début, un grand nombre de représentans choisirent volontairement la rude mission de venir en aide aux populations envahies et de partager leurs souffrances.

La Chambre procéda à un seul vote sur l’ensemble des