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à Vienne ce bon serviteur de l’Autriche, lui épargna la douleur d’être témoin de la catastrophe qui mit fin à sa dynastie.


III

Avec le retour des Karageorgévitch s’ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de la Serbie, le chapitre européen. L’État serbe fait ses débuts sur la scène internationale et, par trois fois, il y tient un rôle de premier plan. Les années d’obscures disputes intérieures sont suivies d’années remplies de querelles retentissantes avec l’Autriche-Hongrie et illustrées par des victoires balkaniques. La période de paix est finie ; les jours de gloire et de misère vont se lever. Pour commencer, et bien avant que la politique de destruction des petites nations, que prêchent ouvertement en Allemagne les Tirpitz et les Reventlow, fût à l’ordre du jour, l’Etat serbe a été le champion des nationalités menacées par les Puissances centrales. Il a fait, comme tel, une audacieuse figure en face du géant autrichien. C’est la cause des petits Etats qu’il a soutenue, en défendant la sienne ; de quoi ceux-ci devront lui être éternellement reconnaissans.

Les querelles austro-serbes débutent par la proclamation de l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine aux provinces de la monarchie des Habsbourg. Qu’on ne s’y trompe pas, le conflit aigu de 1909 a eu des conséquences qu’on ne soupçonnait pas alors. Il fut le lever de rideau du drame dont les péripéties se déroulent aujourd’hui. C’est pourquoi il me parait utile de lui donner ici toute sa signification, de rappeler comment il a pris naissance et comment il n’a reçu alors qu’un dénouement provisoire et insuffisant [1].

On s’est demandé pourquoi les Serbes avaient mené tant de bruit et failli déchaîner une guerre générale à propos d’une annexion qui existait virtuellement depuis trente ans. Les motifs de leur émotion et de leur colère, on les aperçoit facilement, quand on jette les yeux sur la carte des Balkans et qu’on y étudie la situation géographique et économique de la Serbie.

On comprend mieux alors l’attachement, qui n’est pas

  1. On lira avec grand intérêt, sur l’ensemble, des événemens balkaniques, le livre de M. Auguste Gauvain, un spécialiste de ces questions : »L’Europe avant la guerre» (A. Colin.)