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frontières au bétail serbe. Il craignait les avantages qu’offrirait l’union aux autres Balkaniques et qu’elle n’en vînt à séduire la Roumanie. Toutefois, le terrain se trouva ainsi bien préparé pour des négociations politiques.

Chose curieuse, les illusions, créées par l’établissement d’un régime pseudo-constitutionnel en Turquie, avaient troublé jusqu’au bon sens des hommes politiques des Balkans. Dans les plans de confédération qu’ils ébauchèrent, ils laissaient une place aux nouveaux maîtres de Constantinople. C’était vouloir associer deux élémens incompatibles, comme de marier le Grand Turc avec la République de Venise. La reprise par le gouvernement ottoman des persécutions hamidiennes ouvrit les yeux aux plus aveugles. Il ne pouvait plus être question que d’une ligue contre l’ennemi héréditaire. De ligue, à proprement parler, il n’y en eut point, mais des traités d’alliance séparés que signèrent la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro.

Les pourparlers entre les cabinets serbe et bulgare et entre ce dernier et celui d’Athènes s’engagèrent au commencement de l’automne de 1911. A la suite de laborieuses négociations, commencées mystérieusement, comme un roman d’aventures, dans un wagon de chemin de fer par M. Guéchoff, président du Conseil bulgare, et M. Milovanovitch, ministre des Affaires étrangères de Serbie, un traité d’alliance fut signé cinq mois après à Sofia le 13 mars 1912. Il était accompagné d’une annexe secrète et fut suivi à bref délai d’une convention militaire. Les difficultés les plus sérieuses s’étaient concentrées autour de la Macédoine, en prévision d’une conquête commune. Les ministres serbes ne voulurent à aucun prix de la constitution, proposée par leurs collègues bulgares, d’une Macédoine autonome. Ils n’entendaient pas que les Bulgares renouvelassent à leur profit le coup de la Roumélie orientale, et que la Macédoine, habilement travaillée par les émissaires de Sofia, s’unît plus tard spontanément à la Bulgarie.

Il fallut donc procéder à un partage éventuel. Le morceau en litige était le centre de cette province, la région comprise entre le Char Planina, les Rhodopes, la mer Egée et le lac d’Ochrida. Là surtout s’enchevêtraient les villages serbes, grecs et bulgares, et sévissaient à l’état chronique les haines de race, avivées par la rivalité des trois clergés. La discussion, âpre et longue, aboutit à une ligne de démarcation coupant la Macédoine