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d’Angleterre ont faits à leurs gouvernemens de l’explosion d’allégresse des Viennois, lorsque fut publié l’ultimatum adressé à la Serbie. L’indécence de leurs manifestations était soulignée par la crainte que l’ultimatum ne fût accepté et la guerre encore une fois évitée.

Aujourd’hui que l’Autriche-Hongrie, après trois ans et plus de batailles sanglantes, voit sa population émaciée par la famine, ses finances détruites, ses armées décimées, et la vieille charpente de l’édifice habsbourgeois craquer sous la pression de nationalités qui relèvent la tète, les hommes d’État austro-hongrois saisissent les occasions de parler de la paix. Les grands coupables ont disparu. François-Joseph s’en est allé rejoindre dans la tombe ses ancêtres et ses victimes, octogénaire inconscient peut-être du mal qu’il avait fait, mais tout de même responsable. Berchlold, Burian, Tisza, les hommes qui ont déchaîné la tempête, ont fait place à d’autres conseillers, dont la mission ingrate est de mettre un terme à ses ravages. Mais, par esprit de famille, par habitude du mensonge, par servilité envers leur allié et maître de Berlin, ils prétendent encore innocenter leurs prédécesseurs. Autant essayer de supprimer l’histoire de la politique austro-hongroise depuis les débuts sensationnels du comte d’Aehrenthal. La condamnation froidement préparée de la Serbie s’y lit à chaque page. Les ministres de Charles Ier proclament donc, ils proclameront toujours, que la guerre n’a pas été préméditée par la maison de Habsbourg et que la responsabilité n’en doit pas retomber sur elle et sur ses descendans, comme une malédiction éternelle. C’est jouer sur les mots. Les ministres de François-Joseph n’ont prémédité que l’étranglement de la Serbie ; ils ne demandaient qu’à accomplir leur besogne en toute tranquillité, sans être dérangés par les amis de la victime. Le langage hypocrite qu’on tient à Vienne et à Budapest aura fait sourire de pitié les Bernhardi et les Tannenberg. Ceux-là du moins ont eu le courage de leur opinion. Ils ont prêché la guerre ; ils en ont célébré par avance les beautés ; ils doivent contempler aujourd’hui avec une sombre satisfaction le résultat de leur apostolat.

Les Alliés, qui n’avaient pu sauver la Serbie, ont par bonheur fait échouer en partie les plans militaires de l’ennemi dans les Balkans. Ils ont empêché les troupes austro-allemandes et leurs acolytes bulgaro-turcs de s’emparer de Salonique, que