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domaine des contes ou de la fantaisie d’un librettiste ; nous le connaissons par le journal qu’a tenu avec persévérance la future princesse Hélène de Ligne, pensionnaire de la maison depuis sa dixième année. La fillette reçoit de ses parens 30 000 livres par an pour subvenir aux dépenses de son train : elle a un logement particulier, une bonne, une femme de chambre et une gouvernante. Le couvent possède un théâtre élégant, avec décors, accessoires et costumes ; deux fameux comédiens, Molé et Larive, enseignent la déclamation ; les ballets sont dirigés par les premiers danseurs de l’Opéra. Hélène profite si bien de leurs leçons qu’elle excelle dans l’art de Vestris et que la directrice l’envoie quelquefois donner des représentations en ville, chez des amies de sa famille. Souvent les pensionnaires s’offrent entre elles des goûters, des soupers, de petites fêtes intimes. Le correctif est dans la règle qui leur impose à tour de rôle les soins du ménage et les astreint aux plus humbles besognes : Mlles de Montbarrey et de la Roche-Aymon sont préposées à la lingerie ; Mlles de Beaumont et d’Armaillé, aux comptes ; Mlle de Barbentane, à la surveillance de la porte ; Mlle de Vogüé, à la cuisine ; Mlles d’Uzès et de Boulainvilliers, au balayage ; Mlles de Rohan, de Galard et d’Harcourt, à l’allumage et à l’entretien des lampes. On s’aperçut même un jour qu’un étroit commerce d’amitié régnait entre les nobles demoiselles chargées de la cuisine et les gâte-sauces de l’hôtel Beaumanoir, l’immeuble mitoyen, lesquels, à travers une grille d’égout, conversaient avec les élèves et les bourraient de friandises[1].

Penthemont rivalise avec l’Abbaye-aux-Bois : fondé aux environs de Beauvais, en pleine campagne, sur la pente d’un mont, — étymologie peu ardue, — ce couvent s’est établi à Paris, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : c’est la coutume que les princesses, voire les princesses du sang royal, y passent deux ou trois ans pour s’y former aux belles manières. La pension n’est pas coûteuse ; elle est de deux prix, au choix : 700 livres et 1 000 livres. Pourtant Penthemont est un palais : larges escaliers, grands vestibules, hautes fenêtres, portiques à colonnes, terrasses, quinconces et parterres ; le réfectoire, lambrissé magnifiquement, ressemble à une salle à manger seigneuriale ; la chère est simple, mais exquise. La règle est

  1. Marquis de Ségur, Esquisses et récits, passim.