Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accommodée aux égards que réclament la naissance et l’avenir des élèves : le lever n’est point trop matinal, ni le coucher trop tardif ; récréations nombreuses et parloir fréquent. Les maîtres n’emploient que des termes choisis. Un uniforme gracieux ne dépare point la tournure des futures duchesses et des futures marquises : elles portent des vêtemens à l’ampleur et à la majesté orientales, à croire qu’elles vont donner une représentation d’Esther ou d’Athalie[1].

Non loin de cet Éden de la pédagogie féminine est la maison de l’Enfant-Jésus, dirigée par les Filles de Saint-Thomas de Villeneuve ; on y admet les jeunes demoiselles moins fortunées, mais on exige qu’elles puissent faire preuve de deux cents ans de noblesse, et l’on accepte de préférence celles dont les parens ont été au service du Roi. À l’intérieur de la maison, elles sont vêtues de soie et « en robes de cour, » qu’elles dépouillent, je le suppose, pour vaquer aux soins du poulailler, du jardin, de la buanderie, de l’apothicairerie et autres « objets de ménage ; » car telles sont leurs occupations[2]. On leur apprend aussi à diriger plus de huit cents femmes et filles que les religieuses hébergent et nourrissent gratuitement, qu’elles emploient à filer du coton et du lin, qu’elles instruisent pour les établir ensuite. La laiterie de l’Enfant-Jésus donne du lait à plus de deux mille enfans, et la boulangerie distribue cent mille livres de pain aux pauvres. « Institution utile, modèle d’humanité et de saine politique, due au célèbre Longuet, curé de Saint-Sulpice, » remarque Mercier[3].

Elles sont nombreuses à Paris, ces communautés qui, recevant à la fois les pensionnaires payantes et les gratuites, trouvent dans les ressources fournies par les premières le moyen de subvenir aux besoins des autres. Il y a les Miramiones, ou Filles de Sainte-Geneviève, qui tiennent un pensionnat renommé, instruisent en même temps les jeunes filles du peuple et soignent les pauvres blessés ; — il y a les Filles de l’Instruction chrétienne, rue du Pot-de-Fer, qui « enseignent aux jeunes filles à faire des ouvrages pour gagner leur vie, » et prennent en pension, moyennant quatre à cinq cents livres, les

  1. Comte Ducos, La Mère du duc d’Enghien, p. 48 et suiv.
  2. Thierry, Guide de l’amateur et de l’étranger, II, p. 447.
  3. Tableau de Paris, IV, p. 142.