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demoiselles de la bourgeoisie ; — les Filles de la Providence, ou communauté de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique, dont l’institut « a pour objet de recevoir les pauvres filles de l’âge de neuf à dix ans, et de leur apprendre à travailler, afin que, à dix-huit ou vingt ans, elles soient en état de se marier ou d’entrer au service de quelque dame ; » — les Filles de Sainte-Agnès, rue Plâtrière, chez qui les ouvrières s’initient gratuitement au raccommodage des dentelles et à la réparation des tapisseries ; — les Dames de Saint-Aure, les Dames du Calvaire, la maison de la Mère de Dieu, rue du Vieux-Colombier ; les Ursulines, les Augustines, les Filles-Dieu, les Filles de Saint-Chaumont, les Dames de Sainte-Elisabeth[1]

On décuplerait aisément la nomenclature : toutes reçoivent des riches le pain qu’elles assurent aux pauvres dont elles se répartissent les misères avec une ingéniosité édifiante : tel ordre a choisi les infirmes, tel autre les enfans en bas âge, dont les parens sont impotens ; celui-ci ne s’occupe que des orphelines ; celui-là recueillera seulement les filles d’ouvriers blessés. À feuilleter les annuaires de l’ancien Paris où sont énumérées ces œuvres d’éducation et de charité, on est frappé de la préoccupation unanime : instruire la jeunesse et rapprocher, le plus possible, les gens aisés, des déshérités de la fortune. Pour ceux qu’effaroucherait une si longue liste de communautés religieuses et qui réclameraient le droit à la laïcité, il faut relever encore nombre de pensionnats tenus par de simples bourgeoises et dont les annonces sont généralement libellées sur le modèle alléchant adopté par la veuve Royer, laquelle se pique « de former les élèves à ces manières polies et honnêtes qui décèlent une bonne éducation, » et à ce passage de Mercier notant qu’au coin de toutes les rues sont des écriteaux : Cours gratuit d’architecture, cours gratuit de langue anglaise, cours gratuit d’histoire, cours gratuit de belles-lettres, cours gratuit de géographie, de français, d’orthographe…, etc.[2]. : Il eût fallu que nos pères fussent doués d’une singulière opiniâtreté pour « pourrir dans l’ignorance » que nous leur reprochons témérairement, en un pays où le savoir était si répandu qu’on le donnait à tous pour rien et qu’il se trouvait réduit à raccrocher ainsi les passans.

  1. Thierry, passim.
  2. Tableau de Paris, 1, 297.