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225 livres. Il y a un tour dans l’antichambre, car on apprend le métier de tourneur, et bien d’autres : ceux de gainier, de doreur sur bois, de vannier, de menuisier ; on fabrique des lacets, de la gaze, des cartonnages, des fleurs artificielles, du papier marbré, des grillages de bibliothèque, des ouvrages en papier mâché et des plans en relief ; la maison est construite, meublée et ornée de façon que, en se livrant à ces travaux manuels, les princes s’instruisent de tout sans peine et par surcroît ; les tapisseries représentent, peints sur fond bleu, les médaillons des sept rois de Rome, des empereurs et des impératrices jusqu’à Constantin le Grand, « avec leurs noms et leurs dates ; » les dessus de portes reproduisent les traits particuliers de l’histoire ancienne ; deux grands paravens portent les effigies de tous les rois de France, les écrans à main ou montés figurent « des traits mythologiques. » L’escalier est géographique : il y a des cartes depuis le seuil jusqu’aux greniers, « celles du Midi au bas des degrés, et celles du Nord au deuxième étage, » comme il convient. On ne peut lever les yeux, tourner la tête, s’asseoir, entrer, descendre, monter, sortir, marcher, s’étendre, manger, sans recevoir une leçon de quelque chose. La lanterne magique est « historique, » et si l’on va respirer au jardin, un pharmacien botaniste est là qui détaille les plantes, leurs vertus médicinales et enseigne l’usage qu’on doit en faire. Le maître de musique est allemand, le valet de chambre italien, le majordome anglais et le professeur de dessin polonais. Le moral n’est point, du reste, négligé ; Mme de Genlis a acheté en Angleterre deux jeunes filles jolies comme les amours ; elle les a affublées des noms romanesques d’Hermine et de Paméla ; ces deux nymphes vivent avec les jeunes princes, partagent leurs leçons, leurs jeux, leurs gymnastiques et leurs exercices de force, et ce n’est point là ce qui surprend le moins. Car les bavards s’en donnent à cœur joie des excentricités de Bellechasse : ceux-ci se lamentent, quelques-uns approuvent, beaucoup se scandalisent ; tous, en fin de compte, s’accordent pour rire ; mais le bon public ne douta plus que la gouvernante avait entrepris de conduire à la démence la progéniture de la maison d’Orléans quand, le 9 juillet n89, on vit débarquer dans Paris un cyclope, avec une massue, un œil au milieu du front et une peau de bête autour des reins. On conduisit le personnage au poste, on le questionna