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Marie Alexandrowna, née princesse de Hesse, et leurs enfans au nombre de quatre, dont l’aîné, Alexandre, grand-duc héritier, le futur Alexandre II, venait d’atteindre sa treizième année. C’est là que rendez-vous avait été donné au chargé d’affaires pour ce même jour 24 août, à dix heures du soir et là aussi que nous allons le suivre en prenant pour guide le très curieux rapport qu’il adressait le lendemain au maréchal Jourdan, ministre des Affaires étrangères à Paris.

Assis devant son bureau, l’Empereur écrivait. En entendant annoncer le baron de Bourgoing, il fit quelque pas au-devant de lui, lui désigna un siège, et négligeant les formules de politesse, il l’interpella d’un accent agressif, prouvant ainsi à son interlocuteur qu’il s’était préparé à croiser le fer.

— Eh bien ! avez-vous reçu des nouvelles de votre gouvernement, de monsieur le lieutenant-général du royaume, car vous savez déjà que je ne reconnais aucun autre ordre de choses que celui-là et que je le considère seul comme légal parce qu’il découle de l’autorité royale légitime ?

Quoiqu’il ne s’attendît pas à cette brutale entrée en matière, Bourgoing ne se laissa pas déconcerter.

— Je suis très surpris, Sire, répondit-il, de voir Votre Majesté envisager ainsi une question souverainement jugée.

— Oui, telle est ma façon de penser ; le principe de la légitimité, voilà ce qui me guidera en toute circonstance ; je ne m’en départirai jamais, jamais, accentua l’Empereur en frappant son bureau de son poing fermé ; je ne puis approuver ce qui vient de se passer en France.

— Votre Majesté veut donc mettre le feu à l’Europe ? Je sais bien que Votre Majesté ne songe pas à prendre les armes pour attaquer la France ; mais pense-t-elle qu’une nation comme la nôtre, aussi pénétrée du sentiment de sa dignité, se laisse donner une marque d’improbation quelconque ?

— Jamais je ne me départirai de mes principes : on ne transige point avec ses principes, et je ne transigerai jamais avec mon honneur.

— Je sais. Sire, que la parole de Votre Majesté est sacrée, et qu’un engagement pris par elle est une loi immuable. Voilà pourquoi j’attacherais tant de prix à ne point la voir se lier pour l’avenir par des déclarations précipitées. Je connais combien son cœur obéit facilement à une première impression : que