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de rendre à la Charte telle qu’elle existait maintenant son autorité et menacé de voir bientôt la République succéder à la royauté. Le débat se rouvrait sur cette question. Il ne cessa que lorsque Bourgoing eut fait remarquer que si les Français eussent voulu adopter la forme républicaine, ils l’auraient proclamée aussitôt après la chute de Charles X.

— Je voudrais, Sire, dit-il en terminant, avoir contribué à changer les dispositions que Votre Majesté m’a exprimées ; je lui aurai du moins rappelé combien ses décisions pèsent dans la balance des événemens, et combien la France continue à compter sur une amitié dont elle connaît tout le prix.

— Je ferai ce que je pourrai, mais n’attendez pas que je sacrifie mon honneur. Le temps, l’avis des autres Cours, la tournure que les choses prendront en France, voilà ce qui pourra me déterminer. Mais, je le répète, je ne transigerai jamais avec mon honneur.

Bourgoing aurait pu objecter qu’il n’existait aucune corrélation entre les événemens de France et l’honneur de Nicolas Ier, qu’ils n’avaient atteint ni de près, ni de loin. Mais, c’eût été prêcher dans le désert ; mieux valait laisser le temps faire son œuvre et le gouvernement de Louis-Philippe, par sa sagesse et sa loyauté, modifier les dispositions de l’Empereur dont le jeune diplomate venait de démontrer avec tant de fougue l’injustice et le danger. Resterait, il est vrai, la question de savoir si la conversion de l’autocrate russe, en admettant qu’il fût capable de se convertir jamais, serait sincère et s’il pardonnerait au gouvernement de Louis-Philippe autrement qu’en apparence, ses origines révolutionnaires.

Cette question, l’avenir seul pourrait la résoudre.


Il

Au mois de novembre 1830, quelques semaines après les journées de juillet, l’Europe était en proie à des agitations qui assombrissaient le présent et l’avenir. En Allemagne, les dynasties prenaient leurs précautions contre les velléités libérales des peuples. En Belgique, un mouvement séparatiste contre les Pays-Bas allumait la guerre et enfin, dans la Pologne russe, éclatait à l’improviste une formidable insurrection dont l’Empereur Nicolas se montrait aussi surpris qu’irrité.