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généraux russes et polonais lui ont proposé de se mettre à la tête des troupes et de rentrer à Varsovie, en garantissant que l’ordre serait promptement rétabli. Des personnes sont même venues de la ville pour le déterminer à y rentrer à main armée, avec l’appui d’un parti nombreux. Mais il est resté sourd à toutes les représentations, et s’est constamment refusé à une résolution qui, prise dès l’origine, aurait, selon toute apparence, empêché le renversement de l’ordre établi. Ces nouveaux torts du grand-duc ont porté à l’extrême l’opinion défavorable qu’on a de lui. »

Elle n’était que trop justifiée. Pendant sept jours, la famille impériale avait été absolument sans nouvelles ; dix autres jours s’étaient écoulés encore sans autres renseignemens que les lettres du grand-duc lui-même, écrites sans ordre et sans précision, arrivant par des courriers auxquels était interdit expressément, ainsi qu’à toutes les personnes de la suite, d’écrire une seule ligne à Saint-Pétersbourg.

On apprenait, en outre, que le grand-duc s’était enfui de son palais avec tant de précipitation qu’il n’avait pas eu le temps d’emporter ni de détruire ses archives particulières où se trouvait la volumineuse correspondance de l’Empereur, témoignage touchant de la déférence qu’il témoignait à ce frère dont il occupait la place, en lui communiquant les rapports diplomatiques venus de l’étranger, et même en le consultant. On pouvait donc craindre que des secrets d’État ne fussent tombés aux mains des insurgés.

Néanmoins, si graves qu’eussent été les torts du grand-duc, l’Empereur lui prodiguait dans ces douloureuses circonstances les égards les plus affectueux. Des missions d’information, des secours de tout genre se succédaient de jour en jour. Il poussait la sollicitude jusqu’à faire envoyer à la princesse de Lowics, qu’on disait dénuée de tout après sa fuite de Varsovie, des vêtemens choisis par l’Impératrice parmi les siens. Mais ces témoignages de tendresse fraternelle n’empêchaient pas l’Empereur de reconnaître les torts de son frère et d’en conclure que le grand-duc devait être éloigné de toute participation au gouvernement de la Pologne, comme aux opérations militaires qui se préparaient. Il désignait les commandans d’armée sans le consulter, et lui envoyait le comte Alexis Orloff pour lui exposer les raisons qui ne lui permettaient pas de le maintenir à la