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de Varsovie constituait un sacrifice fait par la Pologne à la France, l’argument habilement colporté par les amis des insurgés contribuait à rallier à leur cause l’opinion française ; ce n’était pas trop de l’énergie du gouvernement de Louis-Philippe pour résister à l’entraînement auquel on voulait l’associer. Il s’y employait de son mieux et si loyalement que Nicolas, tenu au courant des incidens de cette lutte, lui fera exprimer par Nesselrode, le 4 mai 1831, la reconnaissance qu’éveille en son cœur la politique du roi dont le duc de Mortemart, ayant accepté de retourner à Saint-Pétersbourg, sera l’interprète éloquent et autorisé.

Nommé pour la seconde fois ambassadeur de France auprès du tsar, ce brillant gentilhomme, à peine âgé de quarante ans, s’était mis en route dès le commencement de janvier, malgré les rigueurs de l’hiver, muni d’instructions très précises, conçues dans un esprit amical pour la Russie. Nous en trouvons la confirmation dans les dépêches qui lui furent adressées ultérieurement :

« Vous êtes autorisé, lui écrira-t-on au mois de mars, à dire et à répéter, aussi souvent et aussi nettement que vous le jugerez nécessaire pour en donner au Cabinet russe la conviction pleine et entière, que notre sincère désir est de contracter avec lui une union aussi intime, aussi complète qu’il pourra le souhaiter. Vous ajouterez que notre armée est déjà constituée de manière h donner un très haut prix à notre amitié. »

Dans ce langage d’une sincère cordialité, l’Empereur pouvait voir la preuve qu’entre la France et lui la question polonaise ne créerait aucune difficulté, à la condition qu’une fois maître de l’insurrection il userait de clémence envers les coupables. Il aurait pu s’en mieux convaincre encore si Mortemart, en arrivant à Saint-Pétersbourg, lui avait raconté l’incident survenu durant son voyage et dont une lettre, datée de Kœnigsberg le 28 janvier, nous a conservé le récit. Arrêté dans cette ville par les neiges qui tombent en abondance et rendent impraticables les chemins, il profite de cet arrêt forcé pour faire connaître à son gouvernement que sur la frontière du duché de Posen, il a rencontré un envoyé du prince Czartoryski venu secrètement au-devant de lui. Le personnage, par ses discours et par les pièces justificatives de sa mission, lui a prouvé qu’il est digne de confiance ; du reste ils se sont vus à