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Jusqu’ici, leur admission est temporaire et limitée à l’agriculture, avec défense, sous peine d’expulsion, de s’employer dans l’industrie. Mais, à mesure que la loi militaire est mise plus largement en vigueur et appelle sous les drapeaux un plus grand nombre d’ouvriers techniques, le problème du manque de bras devient de plus en plus difficile à résoudre, à l’usine comme à la ferme. La satisfaction des besoins extraordinaires de l’Europe en vivres, en munitions, en matières premières, exigeait de la part de l’Amérique depuis près de trois ans une production plus intense, laquelle avait eu ce résultat, en attirant de nouveaux travailleurs dans certaines branches d’activité, de créer un vide dans les autres qu’ils abandonnaient.

Par l’entrée en guerre des Etats-Unis, la situation s’est naturellement compliquée : il fallait produire encore davantage tout en diminuant l’effectif des producteurs. Ceux-ci, unis et groupés dans les cadres de la « Fédération américaine du travail, » se trouvent dès lors investis d’une sorte de monopole et bien que leur président, M. Samuel Gompers, ait solennellement, et à plusieurs reprises, promis qu’ils n’en abuseraient pas, il ne paraît pas maître d’empêcher les difficultés que fait surgir la hausse constante des prix de la vie. Les unions de syndicats tiennent à maintenir avant tout l’ « American Standar of living, » soit, en bon français, ce minimum de bien-être normal que les Etats-Unis appellent le « nécessaire » parce qu’il fut jusqu’ici le train ordinaire en cet heureux pays.

Or, pour le maintenir, ce train, pendant la guerre, il faut des salaires plus élevés, une journée plus courte avec plus forte prime pour les heures supplémentaires et l’exclusion de plus en plus sévère de tous travailleurs non syndiqués. De là des conflits assez rudes, non seulement entre patrons et ouvriers, mais aussi entre ouvriers de différens métiers. Une convention récente entre les charpentiers et les ouvriers du fer, pour l’exercice d’un monopole, rappelle les procès épiques de nos corporations de l’ancien régime, lesquelles se regardaient comme propriétaires indivises d’une certaine branche de travail. Le Conseil de la défense nationale s’emploie de son mieux à pacifier les jalousies.

Il est aussi chargé de mettre à la disposition du gouvernement toutes les ressources « humaines et matérielles » de la nation. Par un saisissant contraste, au moment même où, dans