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Cette lettre fut lue en présence de Lalande qui se leva et dit simplement : « Je me conformerai aux ordres de Sa Majesté. »

L’illustre astronome était aussi original que versatile, et s’il est vrai que cet ancien élève des Jésuites ait, dans le Supplément au Dictionnaire des Athées de Sylvain Maréchal, placé les noms de Jésus et de Bonaparte et cherché à faire des prosélytes en athéisme jusque sur les bancs des collèges, il n’avait pas encore fait ériger dans la principale église de Bourg, sa ville natale, un monument à ses parens avec une épitaphe qui commençait par ces mots : Deo Optimo Maximo. Il avait fait jadis l’éloge de saint Charles Borromée et de saint François d’Assise, hautement loué les cérémonies de l’Eglise, sollicité, en 1804, une audience du Pape et s’était prosterné à ses pieds. Il aimait enfin à se singulariser en tout, à insérer des annonces futiles dans les journaux pour faire parler de lui, à stationner sur le Pont-Neuf pour montrer aux curieux les variations de l’étoile Algol, à écrire des pamphlets contre ses confrères, à manger des araignées, ce qui lui valut cette boutade de la marquise de Condorcet qui lui avait demandé : « Quelle saveur trouvez-vous donc à ce mets étrange ? — Une saveur de noisette. — Je comprends, répliqua-t-elle, c’est à peu près comme on peut trouver à l’athéisme une odeur de philosophie. » Et le chansonnier Piis lui consacra ce couplet :


Quand sur votre blanche assiette
La noire Arachnée courra, »
Pour la croquer sans fourchette
Entre vos doigts prenez-la.
Sinon de vous
Monsieur de Lalande rira
Et dira
Vous n’aimez donc pas la noisette ?


Petit, noir et décharné, lorsqu’il prêchait sa doctrine, si l’on en croit un contemporain, on eût dit « un démon disgracié qui se plaisait à nier Dieu. » Mais il était resté foncièrement monarchiste et ami du pouvoir. Aussi, n ‘eut-il garde de se brouiller avec l’Empereur et, après la lettre menaçante de l’Institut, il cessa tout prosélytisme athée. Il avait fait de la politique, de la physique, de la littérature, de la grammaire, de la métallurgie, de la poésie même. On a de lui des vers à