Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doctrines matérialistes, elles pussent s’établir ainsi sur les pages d’un livre classique « dans un style où la barbarie du langage le disputait à l’abaissement des idées. » C’était un véritable manuel de philosophie positiviste ; mais altéré dans son esprit et dans ses tendances, ce livre rappelait toujours le Dictionnaire de M. Nysten. Il gardait à son frontispice ce nom respecté, et, sous ce couvert, il enseignait dans toute la France, dans toutes les écoles de médecine, le matérialisme de M. Littré. Cela était d’autant plus regrettable que Nysten avait défini jadis l’Ame « un principe de vie raisonnable ; » la Raison « une puissance de l’âme par laquelle l’homme perçoit la distinction entre le bien et le mal ; » l’Idée, « une perception de l’âme » et admettait comme science spéciale de l’âme la Psychologie qu’il définissait « la science qui traite de l’âme. » Tout cela avait disparu sous la plume de M. Littré pour être remplacé par des définitions entièrement matérialistes.

Et revenant à sa mission d’évêque, qui primait pour lui toutes les autres, Mgr Dupanloup s’écriait : « Je puis m’être trompé dans un texte, dans une interprétation, dans un rapprochement ; du moins les précautions que j’ai prises contre les erreurs possibles payent tout ce que je me suis jamais donné de soins dans ma vie pour aucun travail. Et j’affirme, après avoir plongé mon esprit et mes yeux fatigués, mais ouverts encore, dans cet abime et ce dédale de contradictions et d’erreurs-, de subtilités et d’énormités, que ce que j’ai dit n’est rien encore en comparaison de ce que j’aurais pu dire.. Voilà donc ce qu’on écrit, ce qu’on imprime, ce qu’on jette en pâture à l’avidité publique, ce qu’on fait lire à toute la jeunesse ! Voilà quelle guerre on livre au milieu de nous, non seulement à Jésus-Christ et au christianisme, mais aux grandes vérités morales elles-mêmes ; non seulement à la Foi, mais à la philosophie et à la Raison I... Certes, l’étonnement serait grand, et à juste titre, si nous restions silencieux en face de telles doctrines, si nulle voix d’évêque ne s’élevait pour réprouver cette sophistique impie. »

C’était là la vraie raison de l’action de l’évêque d’Orléans contre Littré et contre ceux qui partageaient ses doctrines. « Nous avons entendu, disait-il, dans ce siècle, un grand esprit, un homme qui a étudié l’Histoire, scruté la vie des peuples, gouverné son pays, s’écrier du fond de son âme émue : « Si