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« J’ai vu dans la journée tous ceux de nos confrères que j’avais cru devoir consulter sur la publication immédiate de mon écrit. A ma grande surprise, ils ont été à peu près tous, et bien plus chaudement que mes propres amis, d’avis que je ne pouvais me dispenser de publier de suite. Je ne suis donc plus libre de ne pas le faire, ayant provoqué une sorte de jugement qui se trouve en harmonie avec le cri persistant de ma conscience.

« Vous me trouvez, j’en ai peur, trop ému ou trop peu facile et, me rappelant des exemples auxquels je devrais être fier de me conformer, vous me disiez encore ce matin que M. de Quélen et M. l’évêque d’Hermopolis étaient venus s’asseoir auprès de M. Cabanis. Mais permettez-moi d’abord de vous dire que c’était juste le contraire de ce qu’on voudrait faire aujourd’hui. L’élection de ces deux évêques était postérieure à celle de M. Cabanis et marquait les progrès du temps ; celle-ci marquerait une décadence.

« Il faut ajouter tout ce qui s’est passé depuis et que nous ne pouvons oublier, le jour où M. Proudhon est venu s’asseoir en face de vous pour détruire la société, le jour où j’ai pu m’asseoir à vos côtés pour tenter de la sauver.

« Nous avons vu l’athéisme aux affaires et c’est pour le combattre que, par un acte qui m’a attaché à vous pour jamais, vous avez eu le courage d’appeler à votre aide la religion. Ah ! ne me demandez pas aujourd’hui de rappeler l’ennemi commun. Je lui tendrai la main s’il le veut ; mais lui donner le sceptre et la puissance pour faire le mal, jamais !

« Je sens et prévois assez tout ce que l’acte que je fais aujourd’hui suscitera contre moi de reproches et de représailles : on n’aime pas à être réveillé si fort ! Faut-il vous dire quelle est ma confiance ? C’est que c’est vous qui me défendrez alors. Vous me défendrez, j’en suis sûr. On dira que j’aime la guerre et que je sers des passions, vous répondrez que j’aime la vérité et que je sers ma conscience.

« Veuillez agréer le fidèle hommage de mes bien dévoués et respectueux sentimens.

« Félix, évêque d’Orléans. »


M. Thiers se décida enfin à répondre à Mgr Dupanloup pour lui faire connaître toutes les raisons qui le portaient à donner