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L’élection eut lieu le 30 décembre 1871 : Littré obtint, sur 29 votans, 17 voix contre 9 à M. Saint René-Taillandier, et 2 à M. de Viel-Castel. Le même jour étaient élus le Duc d’Aumale, Camille Rousset et de Loménie en remplacement de Montalembert, Prévost-Paradol et Mérimée. Thiers, alors président de la République, était venu voter avec ses ministres Rémusat et Dufaure. Victor Hugo, Autran, Jules Janin et Xavier Marmier étaient absens. Le soir même de l’élection de Littré, Mgr Dupanloup écrivit au directeur de l’Académie : « J’ai le regret de ne plus pouvoir continuer à faire partie de l’Académie française. »


Cet acte fut diversement apprécié. Tandis que les uns louaient hautement la fierté et la gravité de cette démonstration, les autres la blâmaient avec une extrême rigueur. Parmi les journaux qui attaquèrent chez le prélat ce qu’ils appelaient l’emportement et l’esprit de domination, les deux plus amers furent le Journal des Débats et le Temps.

Mgr Dupanloup ne voulut-pas garder le silence devant les accusations des Débats, journal qui, avant l’élection, avait fait plus d’une fois la critique la plus vive de ses nombreuses polémiques.

L’article n’étant pas signé, c’est au rédacteur en chef qu’il répondit, le 5 janvier 1872, en ces termes : « Les Débats me reprochent l’emportement de ma décision. Rien n’a été moins emporté ni moins irréfléchi. Dès le 21 décembre, j’ai averti mes confrères, et si le 30 j’ai écrit au directeur de l’Académie, c’est que je n’ai pas voulu laisser croire un seul jour, une seule heure qu’un évêque pût accepter ce qui était à ses yeux un scandale. » Il était surpris de voir l’auteur de l’article s’égarer dans des considérations secondaires et étrangères à la question. En combattant cette candidature, l’évêque avait songé avant tout à la religion, aux périls de la jeunesse et de la société, aux intérêts suprêmes de la vérité et de la morale. Il avait eu l’ambition de défendre aussi l’honneur du Corps illustre auquel il appartenait. « Vous dites que je ne devais pas refuser l’entrée à l’Académie d’un savant déjà membre de l’Institut ; que j’embarrasse l’Académie en la forçant de louer un académicien vivant ; que je la gêne en lui faisant entendre des homélies qui ont vieilli... » A cela Mgr Dupanloup répondait que, Littré