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REVUE SCIENTIFIQUE

LA PROTECTION DU SOLDAT. — LE CASQUE

Le maître d’armes de M. Jourdain lui apprend, si j’ai bonne mémoire, que tout l’art de l’escrime est de donner et de ne point recevoir. Cette définition est en réalité beaucoup plus extensive que ne le croit le professeur d’épée si comiquement campé par Molière. Porter des coups et n’en pas recevoir n’est pas seulement le but de l’escrime ; il est celui de l’art de la guerre tout entier ; tuer et ne pas être tué, tout est là dans la bataille. Or, la première partie du problème, l’art de tuer, a fait, depuis qu’il y a des hommes et qui se battent, des progrès continus, extraordinaires, dont nous voyons aujourd’hui les effets et dont les plus importans sont venus de la rallonge formidable que les explosifs ont mise à l’atteinte de nos bras. Au contraire, il semble que l’art de se protéger en campagne des coups de l’ennemi, l’art de ne pas être touché par lui, soit resté à peu près stationnaire et même, pendant les derniers siècles, ait suivi une régression. Tous les soldats de 1914, à quelque nation qu’ils appartinssent, du moins tous les fantassins, — et pour ne pas parler des cuirassiers dont l’armure était surtout d’apparat, avant qu’ils ne devinssent eux-mêmes fantassins, — n’avaient rien pour se protéger contre les projectiles ennemis. Leur mince uniforme d’étoffe était à cet égard bien inférieur à tous les boucliers, à toutes les cuirasses de l’antiquité. Ou plutôt ils n’avaient pour se protéger que le moyen qui, dès l’origine de l’histoire, fut en honneur pour se dissimuler et arrêter les coups, et dont César notamment fit sous Alésia le plus judicieux usage : les tranchées, les levées de terre. C’est ainsi qu’à travers les temps la terre, la bonne terre qui nourrit l’angoisse éphémère des hommes jusqu’à l’heure d’en être le linceul, leur a été la plus