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sûre défense contre les coups de leurs ennemis. Ainsi nos soldats d’abord, rénovant l’aventure d’Antée, ne connurent, pendant les premiers mois de cette guerre, point de meilleure protection que l’humus vivifiant qui les fait invulnérables, l’humus qu’on creuse ainsi qu’un lit pour y trouver la sécurité quand passe la mort, en attendant d’y trouver la grande sécurité de la mort elle-même.

On a quelquefois comparé l’évolution des choses humaines à cette courbe qu’on appelle une sinusoïde et qui, sous un même niveau moyen, s’avance monotonement avec des hauts et des bas successifs, et qui la font pareille aux ondulations d’un serpent qui fuit. D’autres au contraire ont comparé la marche des choses à la spirale, à cette courbe qui monte perpétuellement en repassant par les mêmes abscisses et dont chacune des spires, tout en étant semblable à celle qui l’a précédée, est pourtant à un niveau plus élevé.

Si l’on veut me permettre de transposer ici ces images géométriques, il me semble que l’armement offensif des guerriers a suivi dans l’histoire une marche en spirale, tandis que leur armement défensif a suivi au contraire une marche sinusoïdale. Pourquoi ? Et en particulier, d’où provient l’inflexion nouvelle de la courbe qui actuellement nous ramène vers les anciennes armures ? A quels résultats pratiques a-t-elle conduit les belligérans ? C’est ce que je voudrais brièvement examiner aujourd’hui.


Dès la plus haute antiquité, le casque et la cuirasse occupent à côté du bouclier (qui semble le plus anciennement apparu des trois) une place importante dans la protection des combattans. Dans le Nord et l’Occident, on trouve dès l’ère celtique, près de dix siècles avant J.-C, des coiffures de bronze et des boucliers de bois ou d’osier renforcés de métal. On trouve les mêmes armes défensives dans la plus ancienne histoire du bassin méditerranéen, et on les voit complétées chez les Grecs et les Romains par des plaques métalliques destinées à protéger les membres.

Après la chute de l’Empire romain, la disparition à peu près totale de l’industrie et des arts a amené une sorte de régression dans l’armurerie, qui avait été chez les anciens autant l’œuvre des artistes que celle des artisans. — Les Francs emploient le bouclier et le casque sans cuirasse ; mais celle-ci reparaît à l’époque de Charlemagne et on en voit un beau modèle de ce temps au Musée des Invalides. Le XIe siècle voit naître la cote de maille que complète un