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projectile de beaucoup le plus employé dans les fusils et mitrailleuses de l’ennemi : un mètre carré d’acier de 8 millimètres d’épaisseur pèse environ 63 kilos ; une plaque protégeant contre les balles l’homme dans toute sa hauteur et d’un seul côté pèserait environ une quarantaine de kilos. Ce poids est absolument prohibitif ; un bouclier ou une cuirasse pesant même la moitié de ce poids et ne pouvant par conséquent protéger contre la balle qu’une moitié du corps constitueraient également une surcharge, absolument rédhibitoire, du poids déjà excessif porté par le fantassin. Ceci qui n’a pas cessé d’être vrai, même dans la guerre stabilisée actuelle, était a fortiori admis avec raison et sans conteste, avant le présent conflit et lorsque les états-majors étaient convaincus que l’on aurait une guerre de mouvemens imposant au soldat des marches continuelles et rapides.

On avait donc nettement renoncé dans toutes les armées à protéger le soldat en campagne par un blindage portatif.

Il s’est trouvé que quelques-unes des anticipations faites n’étaient pas conformes à ce qui est arrivé. Tout d’abord, et, en dépit de l’énorme portée des fusils et des canons actuels, on a vu et l’on ne cesse pas de voir, par suite de la nature de cette guerre de tranchées, les infanteries ne s’aborder presque jamais qu’en combat rapproché, et même en dehors des combats, demeurer extrêmement près l’une de l’autre. De cela est résulté qu’à son fusil dont la longue portée était devenue inutile, l’infanterie a substitué ou du moins a ajouté dans une large proportion des armes de jet à faible vitesse initiale, notamment les grenades à mains et à fusil. Ces engins projettent un très grand nombre de petits éclats à vitesse initiale beaucoup plus faible que celle de la balle, mais suffisante pour blesser ou tuer aussi bien qu’elle. Un grand nombre de blessures sont donc, à côté des blessures par balles, causées par ces petits éclats. Voilà, me dira-t-on, une chose qu’on ne pouvait pas prévoir. Cela est vrai, si l’on considère les grenades ; cela est faux, si l’on considère les autres projectiles, et notamment les obus.

On savait d’avance, — à moins d’avoir oublié qu’il y avait une artillerie, — qu’un grand nombre de projectiles, à vitesses très inférieures à celles de la balle, seraient vulnérans dans cette guerre : les balles des shrapnels, la plupart des éclats des obus. Mais on avait sous-estimé le nombre et l’importance relative des blessures causées par eux.

Quand on va au fond des choses et qu’on cherche à pénétrer d’un