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disait avec indulgence : Vous aimerez ça ; ça va ressembler à du Gounod. » Et nous aurions pu moins bien tomber. Mais c’est le confrère qui tombait mal. Nous n’avons trouvé là rien, absolument rien, de Gounod, hormis peut-être un souvenir et comme une continuelle confirmation de la fameuse phrase de Valentin : « Ce qui doit arriver arrive à l’heure dite. » C’est ainsi que tout arrive dans la musique de M. Maréchal, et cela nous procure, à défaut du plaisir de la surprise, la sécurité d’une attente et d’un espoir que jamais rien ne vient tromper. Tout rentre ici dans l’ordre accoutumé des formes, sinon des formules classiques : airs, couplets même, romances quelquefois agréables, duos, « ensembles » bien composés et soutenus longtemps. Un peu trop longtemps peut-être, témoin certain épithalame, qui d’ailleurs se développe suivant un plan harmonieux. Aussi bien, il ne saurait nous déplaire que dans une « action musicale » l’action s’arrête ou se ralentisse par momens pour laisser quelque loisir à la musique. Et cette musique est partout correcte et raisonnable ; s’il lui manque l’originalité vraie, elle n’est pas dépourvue d’une certaine distinction. Ni les idées n’en sont triviales, ni l’expression n’en est fausse. L’orchestre enfin, sans prendre trop de peine, ne demeure guère inoccupé. Sagement, honnêtement, il concourt à l’effet général. Jamais lourd et jamais vide, à tel ou tel chant il ajoute un contre-chant ; à telle mélodie, la parure d’harmonies ou de timbres qui n’ont rien de vulgaire. Ici, par un coup de gong, là par une petite sonnerie de clochettes, ou peut-être de « célesta, » il contribue à ce qu’on est bien obligé, lors même qu’il s’agit de sonorités, d’appeler la « couleur » locale. Cette dernière, non plus cette fois pour les oreilles, mais pour les yeux, consiste d’abord dans les décors et les costumes, lesquels forment un délicieux spectacle, et puis dans le menu trottinement des personnages, dans le jeu des éventails frémissans et des saints ou des révérences courtoisement échangées.

La musique elle-même n’a rien de chinois. Et pourtant, si nous ouvrons, ou rouvrons, comme il sied en pareille occurrence, le précieux petit livre de M. Laloy sur la musique des Célestes, nous y verrons que les principaux caractères de cette musique sont la sobriété, la sagesse, l’horreur de l’abus et de l’excès. Le Li-Ki, ou Mémorial des Rites, qui expose la doctrine officielle de la Chine sur la musique, abonde en préceptes de tempérance et de discrétion : « Les anciens rois ont disposé los sons par principe. Ils ont fait en sorte qu’ils fassent suffisans pour donner la joie, mais sans licence... » Et