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pour des suites de quartes ou de quintes, séries peu recommandées, où sans doute M. Casadesus prend un plaisir que nous voudrions partager. L’orchestre nous frappa, s’il est possible, encore plus fort, à coups redoublés, assommans. Enfin l’idée ne sembla pas très heureuse d’avoir choisi, pour la mêler à tout ce tintamarre, la petits chanson : « Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés, » alors que justement, « au beau jardin de France, » les lauriers sont en train de refleurir. En somme, œuvre vulgaire, voyante et criarde ; style, sonore et plastique, de music-hall. Et puis, entre nous, la patrie, ce n’est déjà pas facile à chanter ; mais, à danser, je crains fort que ce soit impossible.


Sous la direction de M. Henri Rabaud, d’abord, puis de MM. Guy Ropartz et quelques autres, les Concerts Populaires, ou Concerts-Pasdeloup, ont repris le mois dernier dans la vieille salle, dans leur vieille salle du Cirque d’Hiver. Depuis un demi-siècle environ, nous n’y étions pas rentré. Ce dimanche-là, si lointain, l’on nous y avait conduit pour entendre Mme Viardot. Très souffrante, et d’une fluxion sur la joue, l’illustre et vaillante artiste avait fait réclamer l’indulgence du public. Lorsqu’elle parut, portant un mouchoir en mentonnière, noué sur le sommet de la tête, l’indulgence et même les égards du public furent près de lui manquer. On sourit, on murmura tout bas. Mais, dès ses premières notes, en elle, et, par elle en tout son auditoire, quel changement soudain ! A sa voix, quelle exaltation de son visage et de leurs âmes ! Elle chanta du Gluck, peut-être bien le Roi des Aulnes ensuite, et sûrement, pour finir, quelques chansons d’Espagne, en espagnol, et s’accompagnant au piano. Étrange et sublime figure, qui hanta longtemps notre mémoire d’enfant ! Elle nous demeure encore présente, nous entendons encore sa voix. Et, l’autre jour, parmi tant d’ombres mélodieuses, jadis hôtesses de ces lieux, c’est celle-là que nous évoquâmes d’abord, en repassant, après cinquante années, le seuil de la salle où elle nous apparut pour la première fois.

La direction des nouveaux Concerts-Pasdeloup avait réservé d’abord aux représentans de la critique musicale une tribune placée exactement derrière l’orchestre. Comme acoustique, la place n’est pas des plus favorables. Mais elle offre d’autres avantages. Elle permet de contempler, non pas de dos, comme à l’ordinaire, mais de face, ce deus ex machina d’un orchestre, qu’est le chef qui le conduit. Et M. Henri Rabaud compte, on le sait, parmi ceux qui méritent un