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terribles jours. Nous y croyons surprendre aujourd’hui le dernier hommage et comme l’adieu de la musique à la royauté. Les contemporains, naturellement, ne pouvaient ainsi l’entendre. Louis XVI, quand ses gardes du. corps entonnaient en son honneur : «  O Richard, ô mon roi ! » ne prévoyait pas qu’il languirait, lui aussi ; « dans une tour obscure, » qu’on ne forcerait pas le Temple comme la forteresse allemande et que nul n’aimerait le roi de France « comme le vieux Blondel aimait son pauvre roi. » Mais il nous est permis à nous, et même commandé par nos souvenirs, de rattacher l’œuvre à son époque. Elle enferme en quelques strophes pures, en quelques notes frêles, des siècles de France, tout un idéal de gloire et de beauté dont elle salua la mort. Elle en reçoit un charme de plus, fait de pieuse mélancolie, et qui lui garde une place à part dans l’histoire, non seulement de notre art, mais de notre patrie.

« Mondo antico, » mais demeuré si jeune, que le monde d’aujourd’hui, — je parle d’un certain monde musical, — nous semble vieux à côté. Musiciens du passé, peut-être ignorans quelquefois, toujours ingénus, hommes de peu de science ou de métier, mais de beaucoup d’amour, vous possédiez la fraîcheur, la grâce et le sourire, la simplicité de l’esprit, et l’innocence, la divine innocence du cœur. Vous avez conservé tout cela. C’est un article sur Favart, l’un des créateurs de votre « petit monde d’autrefois, » que Lemaître encore terminait ainsi : « Nous sommes de grands niais d’écrire encore. Toutes les choses, jolies ou belles, ont été écrites depuis longtemps. » Il se pourrait bien que cela fût vrai même des choses écrites en musique. En tout cas, il y a des jours où l’on est tenté de le croire.


CAMILLE BELLAIGUE.


P. -S. — Une erreur matérielle s’est glissée dans notre dernière Revue musicale, au sujet du centenaire de Gounod. Ce n’est pas le 19, mais le 17 juin 1818, que naquit le grand musicien français.


C. B.