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bedeaux, sonneurs, voire fossoyeurs ; » — que les maisons d’écoles n’étaient, le plus souvent, « que de pauvres cabanes, des chaumières en bois, des rez-de-chaussée étroits et mal éclairés… ; » — qu’il y avait peu, ou qu’il n’y avait point de « livres » à l’usage des écoliers. Et ceux qui s’élèvent contre ces vérités de fondation sont « des écrivains de parti s’obstinant à nier l’œuvre de la Révolution française en matière d’éducation et mettant en général à contribution, pour servir leur passion politique, les vieilles archives communales… » et des « statistiques imaginaires[1]. » Passe pour la statistique : cette étude numérique des faits sociaux est, en effet, trop souvent fallacieuse. Mais on aurait pu penser que, pour connaître ce qui se passait dans les villages au temps de jadis, rien ne valait la consultation de ces « archives communales : » les paysans, qui y consignaient au jour le jour les petits événemens et les menus comptes de la localité, ne se doutaient pas que, un jour, les Français se battraient à coups de documens historiques et n’ont pas dû, certainement, sophistiquer leurs écritures pour préparer des argumens aux « écrivains de parti » à venir. Pour le reste, il est vrai que le magister de village chantait au lutrin et portait l’eau bénite, mais il est faux qu’on l’en jugeât « avili ; » il est faux également que les laïques fussent rares dans la corporation : les maîtres d’école étaient « presque tous laïques[2] ; » ils étaient choisis et nommés, non point par l’autorité ecclésiastique, mais par le suffrage des habitans de la paroisse qui se réunissaient en assemblée générale afin de procéder à l’élection sanctionnée par l’Intendant de la province[3] ; les maisons d’écoles n’avaient point, on le reconnaît, allures de châteaux, la plupart étant édifiées ou achetées par les seules ressources de la commune : d’autres étaient données « par les seigneurs, les curés ou des personnes généreuses. » Quant à l’état misérable de l’instruction, il serait fort étonnant que les contemporains, bien placés pour savoir, s’y fussent trompés au point de s’inquiéter, non pas de l’insouciance unanime, mais, au contraire, de l’affluence excessive des professeurs. Dès 1760, il s’élève des plaintes contre l’enseignement gratuit

  1. Compayré, ouvrage cité, pages 305 à 309.
  2. Albert Babeau, correspondant de l’Institut, le Village sous l’ancien régime, p. 315.
  3. Même ouvrage, p. 314.