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de la Vierge que fleurissaient en mai tous les jardins de la paroisse. Ils regrettent aussi le maître d’école avec lequel ils étaient à l’aise et qu’ils pouvaient consulter à l’occasion, le prêtre qui faisait le catéchisme aux garçons et aux filles et s’intéressait à eux dès le baptême. Certes, la maison d’école était peu confortable : c’était une chaumière et le mobilier en était misérable ; maintenant, c’est bien pire, puisqu’elle n’existe plus : elle a été vendue pour quelques assignats à un étranger dont on se défie ; sans doute l’instituteur chantait au lutrin et sonnait les cloches ; mais aujourd’hui, quand il y en a un, ce qui est rare, il est secrétaire du club et espion de l’agent national. Celui de Rosières, en Lorraine, cumule les fonctions de capitaine de la garde nationale, officier public, officier municipal, juré du canton pour secours, juré d’accusation pour le tribunal du district, commissaire aux estimations de biens nationaux[1]… Les réformes ne sont belles que sur le papier ; en réalité, ce sont des duperies : la loi prescrit aux écoliers la visite des hôpitaux ; mais ils y contractent des maladies, — et les hôpitaux, d’ailleurs, sont rares dans les petits endroits ; elle préconise les tournées instructives dans les fabriques ; mais les enfans des villes, qui, seuls, peuvent en profiter, les connaissent, ces manufactures : les temps sont durs et ils y travaillent ; elle recommande le salutaire spectacle des travaux des champs ; les petits villageois ne voient jamais autre chose, et quand, le jour de la fête, le maire manœuvre son obligatoire charrue, ils ne s’intéressent aucunement à ce spectacle trop familier : ce sont là imaginations de citadins qui ne connaissent la campagne que par les églogues de Virgile ou les pastorales de Florian et qui font de la bucolique de cabinet. Enfin, on s’est plaint de la pénurie de livres classiques et de lectures destinées à l’enfance ; il y en a maintenant : le gouvernement a institué des prix pour récompenser les meilleurs ouvrages de ce genre, et les auteurs se sont évertués : on vend le Journal des pensées, par P. -A. Vanière, auteur de l’art de former l’homme, petit-neveu et fils d’illustres du nom, — le Télescope français ou le spectateur de la construction des idées élémentaires[2] ; on vante aussi le Syllabaire républicain pour les enfans du premier âge, qui se trouve chez tous les libraires et

  1. Victor Pierre, L’École sous la Révolution.
  2. Tourneux, Bibliographie de l’histoire de la Révolution, III, 538.