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plus délicates. Tous les despotes applaudirent l’opinion du Saint-Père. » Ce que lisant, les moins éclairés des villageois et les mieux disposés aux idées nouvelles pensèrent que les évangiles, les vrais, ceux que n’avait point primés le gouvernement, convenaient mieux à l’esprit des enfans que ces élucubrations par trop sommaires et ils souhaitèrent, en silence d’abord, un retour à l’ancien état.

À Paris, où l’on fut toujours brave, on se gêne moins : les écoles publiques sont désertes et les institutions privées, que dirigent d’anciennes religieuses, regorgent d’élèves. Un policier du Directoire s’indigne de cet état de choses. Il constate qu’il existe, dans le département de la Seine, plus de deux mille écoles particulières et cinquante-six écoles officielles seulement ; encore celles-ci sont-elles presque vides[1], ne recevant que douze cents élèves des deux sexes, tandis que, en raison du chiffre de la population, elles devraient en compter plus de vingt mille[2]. De tous les collèges de Paris, un seul subsiste : le ci-devant Louis-le-Grand, devenu Collège des Boursiers, puis Collège de l’Égalité, puis Prytanée français : on y élève gratuitement les fils des citoyens indigens qui ont bien mérité de la patrie ; mais le Journal des hommes libres découvre, fort indiscrètement, que, au nombre de ces enfans pauvres, sont « celui de l’ex-directeur Treilhard, celui de Bougouville qui a 30 000 francs de rente, celui d’un des plus riches apothicaires de Paris et « cent autres dont l’admission est un vol à la classe méritante » et un outrage à l’honnêteté publique[3]. En vain le ministre, pour relever la réputation du Prytanée, s’est-il rendu de sa personne à la distribution des prix ; en vain a-t-il pleuré des larmes d’attendrissement à la lecture d’une ode débitée « par un jeune mathématicien nommé Jules[4], » le prestige du collège est atteint et l’on s’aperçoit que le Parisien a quelque peu perdu sa primitive candeur et se montre moins sensible que par le passé à ces démonstrations officielles. Son scepticisme

  1. Compte rendu au ministre de la police générale par le commissaire du Directoire exécutif près le département de la Seine de la situation de ce département. (Aulard, Réaction thermidorienne, IV, 734.)
  2. Même ouvrage, IV, 348.
  3. Journal des hommes libres, 23 messidor an VII, cité par Aulard, Réaction thermidorienne, V, 614.
  4. La Clef du Cabinet, 8 fructidor an VI, cité par Aulard, même ouvrage, à la date.