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t’entraînait à professer un jour les mathématiques. Tu pleureras bien souvent de dégoût et de lassitude ; tes beaux yeux clairs s’useront jusqu’à la myopie à force d’être fixés sur le texte minuscule des manuels, et tes bonnes joues perdront leur rose loin de l’air des bois et des prairies qu’on ne te laissera respirer que parcimonieusement. Tu trembleras de peur, comme un coupable, cher innocent, à l’approche des examens, et quand tu te trouveras enfin libéré, tu seras persuadé que tu sais tout — et tu ne sauras rien, car on n’apprend bien que plus tard. Or, ton long supplice t’aura inspiré tant d’horreur pour les livres que, en dehors de ceux indispensables à l’exercice de ta profession, tu feras comme tes contemporains, tu n’ouvriras plus que des romans en vogue durant huit jours et qu’on jette après en avoir tourné sans recueillement les feuillets. Tant de labeurs, de soucis, de vexations, de peines, n’auront abouti qu’à te priver de ce qui embellit l’existence et empêche qu’on voie, de trop bas, ses misères et ses vilenies. »

Ainsi radote le grand-père ; inconséquent comme tous les rêveurs, il sera, d’ailleurs, le premier à pleurer d’orgueil et de bonheur quand le bambin reviendra du lycée avec une pile de prix enrubannés et une couronne de lauriers.


G. LENOTRE.