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exilée, a cherché vainement, dans les ruines, la trace de son foyer détruit. Elle a neuf enfans. Elle n’aurait aucun moyen de les nourrir et de subsister, si nos amis de la Croix-Rouge américaine n’avaient pourvu, sans retard, à la réception de cette veuve et de ces orphelins dans un baraquement provisoire, où il y a déjà une machine à coudre. Pour les malades qui, pendant l’hiver, sont éprouvés par le froid dans les baraquemens humides, la maison bleue a réservé des dortoirs et une infirmerie. Les lits blancs et propres, fleurant bon la lessive, s’alignent face à face, en double rang, sur un parquet bien ciré, qui miroite.

On sait que le nihilisme dévastateur d’un Hindenburg, d’un Ludendorff, sous l’œil impérieux du kaiser, avait élaboré un programme de destruction qui comprenait la suppression de toute vie, la stérilisation de la terre et l’empoisonnement ou il disparition des eaux. Tous les puits de Lassigny ayant été comblés ou contaminés par les Allemands en retraite, les Américains ont fourni aux services de la direction des étapes, chargés de faire rouvrir ces puits par une équipe de prisonniers boches, une importante quantité de pompes et d’appareils bactériologiques, afin que l’on pût procéder, le plus tôt possible, à la collection et à l’analyse de l’eau nécessaire à l’alimentation des habitans réintégrés dans la commune

Avant de visiter les autres postes qu’organise ou qu’assiste l’Amérique bienfaisante et secourable, mes compagnons tiennent à faire un pèlerinage aux tombes d’un cimetière où reposent les soldats qui sont morts ici, en pleine victoire, dans l’avance mémorable du printemps dernier. Les croix de bois, sur les tertres funéraires, sont pavoisées de cocardes tricolores. Et, sur la couche de terre où sont ensevelis ces libérateurs de la France envahie, l’on voit des fleurs que des mains pieuses renouvellent avec une fidélité touchante, au nom des amis lointains et des parens absens. Ces combattans d’avant-garde, ces humbles et intrépides fantassins du 16e régiment, du 98e, du 219e sont morts en poursuivant l’ennemi, et leurs yeux, avant de se clore à la lumière du jour, ont vu rayonner dans la splendeur du renouveau, à l’horizon brillant de clartés radieuses, l’aurore de la liberté. Ils ont su, ils ont vu, ceux-là, que leur effort n’était pas vain, et que leur sacrifice n’a pas été inutile. Cette pensée sera la consolation et le réconfort de ceux