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servi de couverture provisoire et que les rafales de l’automne et les bourrasques de l’hiver ont déjà mis hors d’usage.

La santé morale des jeunes colons américains de Gruny fait plaisir à voir, non moins que leur santé physique, ils grimpent sur les toits avec une agilité d’apprentis couvreurs. Et, dans leurs propos, ils s’élèvent de prime-saut jusqu’aux plus hautes questions de philosophie et de jurisprudence, étant d’ailleurs gradués des plus célèbres universités du Nouveau Monde. L’un d’eux vient des environs de San-Francisco. Né sous le ciel rayonnant de la Californie, au milieu des jardins merveilleux dont les parterres et les pelouses s’épanouissent aux rivages enchantés de l’océan Pacifique, il s’est acclimaté, à force de travail, dans l’humide contrée où il répare des charpentes désarticulées. Il a pavoisé de rouge, de bleu, de blanc, aux couleurs de la bannière étoilée des États-Unis, qui est tricolore comme notre drapeau, l’atelier de menuiserie où il rabote allègrement des étançons, des échantignoles et des écoperches. En manches de chemise, le col et les bras nus, il besogne de tout son cœur. Les rares intervalles de repos ou de récréation qu’il s’accorde à lui-même sont consacrés aux correspondances qu’il entretient avec ses parens et ses amis, restés là-bas, aux rives heureuses qu’illumine le printemps californien. Il me montre une boîte aux lettres, peinte en bleu, accrochée au tronc d’un des rares arbres que les Allemands ont laissés debout dans les ruines de Gruny. Chaque jour, un facteur, en faisant sa tournée réglementaire parmi des débris de villages et des fragmens de populations, vient prendre le courrier des Américains. Et c’est, pour nos jeunes amis, le seul moyen de communiquer avec le monde civilisé, dont ils sont, en ces parages hantés de funèbres visions, les messagers et les ouvriers volontaires.


Nesle.

Shake hand… Nous allons à Nesle, où la Croix-Rouge américaine a fondé un hôpital-modèle, spécialement destiné aux enfans du pays.

Il s’agit spécialement ici d’assurer l’avenir de la nation française par le sauvetage de l’enfance menacée des contre-coups de la guerre et de l’invasion. Un certain degré de misère entraîne fatalement la maladie. La mortalité infantile est un fléau dont il faut préserver les régions dévastées et dépeuplées.